La déontologie financière et les métiers bancaires

Les banques restent vulnérables (photo © GPouzin)

Les banques restent vulnérables (photo © GPouzin)

LA DEONTOLOGIE FINANCIERE ET LES METIERS BANCAIRES

Débat / présentation de Gilles Pouzin (Association pour la déontologie financière Adéfi / Déontofi) pour le Congrès CFTC des Banques Populaires du 13 juin 2012. (les numéros de pages indiqués dans ce plan font référence à une documentation distribuée aux participants).

Cette présentation peut être actualisée et adaptée pour différents publics sous différents formats, en séminaire, formation, interventions, coaching, etc. Pour plus d’information, contacter Gilles Pouzin.

1/ UN SUJET QUI MONTE EN PUISSANCE

La prise en compte des exigences de déontologie financière dans les activités bancaires est assez récente, même si ses racines sont anciennes.

–          Définition de la déontologie :

« Ensemble des règles morales qui régissent l’exercice d’une profession ou les rapports sociaux de ses membres. »

–          Des bases de droit anciennes :

Les grands principes de l’équité et de la déontologie dans les relations financières sont définies dans le Code civil, reprises dans les codes spécifiques, notamment en droit de la consommation. (lire interview p.5)

–                    Art. 1147 du Code civil sur l’obligation de réparation : « le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, touts les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ».

Mise à jour 207 : Attention ! La recodification du Code civil est un cauchemar pour le suivi des références juridiques. Il s’agit de l’ancien article 1147 en vigueur jusque 2016

L’ancien article 1147 a été remplacé par le nouvel article 1231-1 du code civil. Un tableau d’équivalence des articles du code civil victimes de cette recodification est consultable ici. Des tables de concordances d’articles dont le numéro a changé avec la recodification des différents codes sont accessibles par ici.

–                    Art. L 111-1 du Code de la consommation : « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. En cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté cette obligation ».

L’enrichissement sans cause, résultant d’une obligation sans cause ou d’un quasi-contrat

Art. 1131 du Code civil :  «  L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». Attention, les articles 1131 et 1133 sont remplacés par l’article 1162 du Code civil depuis l’ordonnance du 10 février 2016.

Art. 1371 du Code civil : « Créé par Loi 1804-02-09 promulguée le 19 février 1804 ». Attention: recodifié et modifié à l’article 1300 du code civil depuis 2016.

Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ».

Le respect d’une certaine déontologie dans les relations des vendeurs de biens et services a entraîné un renforcement de la protection des consommateurs dans de nombreux domaines, dont les services bancaires, pourtant toujours considéré comme une exception (cf. commission des clauses abusives dans les contrats lire p.6).

–          Une nouvelle ère réglementaire :

Après la Loi de Sécurité Financière (LSF) de 2003, les « déontologues » des banques (jusqu’ici limités à un rôle d’observateurs de la moralité), deviennent en 2005 des RCCI / RCSI, avec de nouvelles prérogatives et responsabilités réglementaires.

En novembre 2007, la transposition en France de la directive Marchés d’instruments financiers (MIF) ajoute une couche réglementaire dans le but d’endiguer les mauvaises pratiques (qui changent en fait de forme).

Puis en 2010 la Loi de régulation bancaire et financière (LRBF) du 22 octobre 2010cf. p.7

2/ LA THEORIE A TRAVERS QUELQUES REGLES

  • Passage en revue de quelques règles de déontologie financière en matière de produits d’épargne, parmi d’autres sujets.
  • Les obligations de Lutte anti-blanchiment (LAB).
  • Le devoir de conseil et l’obligation d’information des clients.

L’obligation d’information et de conseil des souscripteurs de placements financiers, notamment de Sicav et fonds d’investissement, a été renforcée par la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIF), entrée en vigueur le 1er novembre 2007. Son article 19, repris par l’article L 533-13 du Code monétaire et financier, rappelle que : « les prestataires de services d’investissement s’enquièrent auprès de leurs clients, notamment potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs, afin de pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation. »

La transposition en France de la directive MIF a été accompagnée d’une refonte du règlement général de l’AMF.

L’article 314-11 du règlement général de l’AMF précise ainsi que l’information fournie aux épargnants, y compris la publicité pour des Sicav et autres fonds à formule, « s’abstient de mettre l’accent sur les avantages potentiels sans indiquer aussi, correctement et de façon très apparente, les risques éventuels correspondants. Elle est suffisante et présentée d’une manière qui soit compréhensible par un investisseur moyen. Elle ne travestit, ni ne minimise, ni n’occulte certains éléments, déclarations ou avertissements importants. »

3/ LES LIMITES DANS LA PRATIQUE

  • Objectifs souvent contradictoires entre la théorie des règles de bonne conduite et les objectifs commerciaux.
  • Limites liées à la capacité ou à la volonté des clients de réellement comprendre les enjeux.
  • Détournement des procédures déontologiques à des fins commerciales (questionnaires ne remplissant pas les objectifs de connaissance du client au sens de l’obligation professionnelle mais assez indiscret pour permettre la classification des clients pour la vente).

4/ LES CONSEQUENCES DU GRAND ECART ENTRE THEORIE ET PRATIQUE

  • Pour la santé et l’épanouissement au travail (rapports récents, cf Déontofi p.9 et p.15)
  • Pour la satisfaction des clients et leurs relations avec les salariés (mécontentements, image professionnelle, victimes en réelle détresse… cf. Déontofi p.10, cf. p.22)
  • Pour la sécurité juridique des salariés et de l’entreprise (risques de non-conformité, procès, renvoi de responsabilité, etc. cf. p.8)
  • Exemples célèbres : Jérôme Kerviel à la Socgen, Boris Picano-Nacci aux Caisses d’épargne…
  • Affaires grand public : Bénéfic, Ecureuil Europe 2004, Doubl’Ô, Apollonia, prêts en devises, etc. (lire tract p.23-24)

5/ QUELQUES GARDE-FOUS POUR EVITER LES DERIVES DEONTOLOGIQUES

  • La supervision et le contrôle (interne, externe, par les autorités de tutelle).
  • La protection juridique et la préservation de vos droits (syndicats, avocats).
  • La traçabilité à tout prix, les précautions à prendre (ce qui est légal ou pas).
  • La résistance en réseau et les ressorts médiatiques (conseils pratiques).

Le signalement d’alerte (whistle blowing)

Article A 313-71 du Règlement général de l’AMF (Arrêté du 3 octobre 2011) : «  La société de gestion de portefeuille met en place une procédure permettant à l’ensemble de ses salariés et aux personnes physiques agissant pour son compte de faire part au responsable de la conformité et du contrôle interne de leurs interrogations sur des dysfonctionnements qu’ils ont constatés dans la mise en oeuvre effective des obligations de conformité. »

Article 11-2 du Règlement de la Commission bancaire (dit Règlement 97-02)

http://www.banque-france.fr/cclrf/fr/pdf/CRBF97_02.pdf

Les entreprises assujetties mettent en place, selon des modalités adaptées à leur organisation et qui tiennent compte, le cas échéant, de leur appartenance à un groupe au sens de l’article 1 du règlement n° 2000-03 précité ou à un réseau relevant d’un organe central, des procédures de centralisation des informations relatives aux éventuels dysfonctionnements dans la mise en oeuvre effective des obligations de conformité.

A cet égard, elles prévoient la faculté pour tout dirigeant ou préposé de faire part d’interrogations sur ces éventuels dysfonctionnements, au responsable de la conformité de l’entité ou de la ligne métier à laquelle ils appartiennent, ou au responsable mentionné à l’article 11. Les règles d’organisation adoptées sont portées à la connaissance de l’ensemble du personnel.

L’obligation de formation et d’information des employeurs vis-à-vis des salariés

Article 11-4 du Règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements :

Les entreprises assujetties assurent à tous les membres de leur personnel concernés une formation aux procédures de contrôle de la conformité, adaptée aux opérations qu’ils effectuent.

Elles mettent en place un dispositif permettant de garantir un suivi régulier et le plus fréquent possible des modifications pouvant intervenir dans les textes applicables à leurs opérations et, à ce titre, l’information immédiate de tous les membres de leur personnel concernés.

Archivage des preuves :

Un salarié peut produire en justice les documents de l’entreprise pour assurer sa défense. Peu importe comment il s’est approprié ces documents. Un salarié peut produire des documents en justice qu’il s’est approprié avant même qu’il n’existe un litige avec son employeur. Ce dernier ne pourra en aucun cas l’accuser de vol ou d’abus de confiance.

Cour de cassation, chambre criminelle, Audience publique du 16 juin 2011 N° de pourvoi: 10-85079

Médiatisation et règles à connaître dans le fonctionnement des médias.

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