(Tout le procès Pérol ici) Lundi 22 juin 2015, premier jour du procès de François Pérol, dernier compte-rendu de l’audience de l’après-midi. Le juge Peimane Ghaleh-Marzban explore avec l’accusé les coulisses de l’Elysée dans son suivi de la crise des Caisses d’épargne.

(photo © GPouzin)

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– L’avis du président de la République est important, reprend le juge pour rétablir l’audience.

– Ce qui compte, c’est l’avis de la Banque de France, car c’est elle qui agrée les présidents des banques. Si le gouverneur avait dit l’inverse j’aurais transmis l’information au président. Ce n’est pas mon problème de savoir qui va diriger ce groupe, clame François Pérol sans réaliser le surréalisme de sa réplique, puisque le fait qu’il dirige finalement ce groupe est la raison même de son problème avec la justice.

– On a le contrat entre la CNCE et Messier associés, mentionne le juge pour relancer le débat. La CNCE a entamé des discussions de rapprochement avec les Banques Populaires. Il porte sur une rémunération de 2 millions d’euros plus un success fee de 4 millions d’euros le jour de réalisation de la transaction, hors taxes bien entendu, les frais étant également remboursés. Monsieur Lemaire dit avoir pris connaissance de ce contrat conclu les dernières heures de présidence de Milhaud, et qu’il n’était pas question de le signer. Jean-Marie Messier menace de le poursuivre en justice, mais ce ne sera pas suivi d’effet et on n’en entendra plus entendu parler. Le cabinet Bredin Pratt est pour sa part représenté par Mr Sureau. Six millions d’euros de commission sur une opération de cette taille, c’est possible ?

– Les montants sont habituels pour des opérations de ce type lorsque la banque réalise l’opération. Mais 2 millions au départ c’est inhabituel. J’ai pu vérifier, il n’a pas été payé.

– Le 10 octobre, il y a la note de Guéant au président sur les pertes de trading, je me suis demandé s’il y avait un rapport à la note de Philippe Delmas.

– Je pense que c’était plus pour le prévenir.

– Vous faites une note au président de la République : la fusion doit être l’occasion de faire la vérité sur les comptes et de renforcer le management de l’ensemble. Il y a un contact avec Charles-Henri Filippi mais on considère qu’il n’a pas été bon sur HSBC dans la crise. C’est une note assez directive.

– J’avais interrogé Christian Noyer qui m’avait dit que le management de l’ensemble était faible… Je relaye. Idem sur la vérité des comptes dans un contexte de crise.

– On n’est plus dans l’information, on est dans le pilotage, observe le juge.

– Quand le président de la République dit quelque chose, je pense qu’on l’écoute, rétorque l’accusé.

– Il y a cette entrevue avec Monsieur Sarkozy où Monsieur Milhaud explique « je suis intervenu pour dire qu’il y avait Charles-Henri Filippi. Sarkozy s’est tourné vers François Pérol qui n’a pas pris la parole, comme les conseillers ne prennent pas la parole en présence du président ».

– Monsieur Dupont m’avait proposé la direction générale de Natixis. J’avais immédiatement décliné, disant que ce n’était pas possible car j’avais une mission auprès du président de la République. Pour être courtois, j’avais suggéré Charles-Henri Filippi, qui avait dit ne pas être intéressé. J’en informe le président de la République pour qu’il ne l’apprenne pas par Dupont qui allait le voir l’après midi.

– Tous ceux qui ont été entendus se disent surpris qu’on vous ait proposé ce poste, creuse le juge. Alain Lemaire, cote D120, Stéphane Richard, cote D122… Monsieur Ferrero déclare « je ne savais pas que la direction de Natixis avait été proposée à François Pérol ». C’est étonnant. Le seul élément justificatif étant que vous ayez été chez Rothschild.

– Le conflit entre les deux actionnaires se focalisait sur Dominique Ferrero, raconte François Pérol. En désaccord sur beaucoup de sujets, ils se mettaient d’accord sur la responsabilité de Ferrero.

– Sarkozy vous en parle après ?

– Oui, en disant qu’on a du travail, et suffisamment aimable pour me dire qu’il avait besoin de moi.

– Sur cette note du 14 octobre, s’il s’agissait de passer à Philippe Dupont le message de la Banque de France, il n’avait pas été déjà passé par la Banque de France ? s’enquiert la procureure.

– Si, sûrement.

– Alors pourquoi ?

– Le président de la République décide de son agenda.

– Cela devient donc un dossier Elyséen.

– Pas forcément, il voyait qui il voulait.

– Mais il s’emparait du sujet ?

– Non, c’est le cas avec toutes les banques.

– Sur des problèmes liés à la crise, pas au choix des dirigeants. Au dernier paragraphe, Monsieur Pérol, quand vous dites « j’ai sondé Philippe Dupont sur Filippi mais considéré qu’il n’avait pas été suffisant à HSBC », vous intervenez.

– Non, c’est une politesse en déclinant le poste de DG de Natixis. Le rendez-vous avec Sarkozy et Dupont est conclu avant qu’on me fasse cette proposition de direction générale.

– Êtes-vous à l’initiative de ce rendez-vous ?

– Je ne le pense pas…

– La Banque de France est indépendante, je vous poserai la question pour le 21 février, vous empruntez la même logique, le président ne fait que dire ce que d’autres ont dit.

– En temps normal je ne sais pas, dans le cadre de la crise financière il semblait important que tout le monde dise la même chose, rebondit François Pérol dans son répertoire « grand serviteur de l’État ». Nous avons fonctionné comme ça avec Monsieur Richard, Gosset-Grainville, Noyer également. Assurer à tout prix la cohérence la plus totale de l’action publique. Sarkozy assure la diplomatie internationale, les choix de politique économique. Le projet de loi du 16 oct 2008, je n’en vois pas un mot. Il y a le sommet des 27 membres de l’euro à préparer. Je sais seulement qu’il va y avoir un projet de loi en urgence. En revanche, la décision de mobiliser 360 milliards d’euros relève du président de la République.

– Le 16 octobre on indique qu’il n’y aura pas d’aide sans contrepartie, avec l’exigence des pouvoirs publics qu’on sache comment le groupe va fonctionner et qui sera à sa tête. Le 17 octobre c’est l’annonce des pertes, le 19 octobre la démission de Milhaud et Mérindol, un dimanche.

– Je ne suis en aucun cas intervenu dans la démission de Milhaud, répète François Pérol. Le président de la République tient des propos publics à ce sujet. À peu près dans les mêmes ternes que sur Bouton. A-t-il démissionné ? Non. Car ce sont leurs conseils d’administration qui décident…

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