(Tout le procès Pérol ici) Lundi 22 juin 2015, premier jour du procès de François Pérol, audience de l’après-midi. Le juge interroge l’ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée sur les conditions du mariage forcé des Caisses d’épargne avec les Banques populaires, dans le contexte de la crise bancaire de 2008-2009.

Comment François Pérol a-t-il parcicipé à toutes les étapes de constitution du groupe Banques Populaires Caisses d'Epargne (BPCE) en tant que fonctionnaire et banquier d'affaires, avant d'en prendre la tête. (photo © GPouzin)

Comment François Pérol a-t-il participé à toutes les étapes de constitution du groupe Banques Populaires Caisses d’Epargne (BPCE), d’abord en tant que fonctionnaire et banquier d’affaires, avant d’en sceller le mariage en tant secrétaire adjoint de l’Elysée, d’où il est parachuté à la tête de ce géant bancaire. (photo © GPouzin)

– C’était important pour le tribunal d’entendre cette vision du fonctionnement de la présidence, reprend cette fois le juge avec l’intention de revenir dans le vif du sujet. Vous aidez le président dans la détermination des choix économiques. Quel est le rôle du cabinet du président de la République pour s’assurer que l’info est bien passée et de la cohérence de l’action de l’État ? Vous me dites que leurs rapports sont régis par l’article 20 de la Constitution. Mais s’il doit y avoir un arbitrage par le premier ministre et ses services coordonnés, dès lors que le pouvoir monte d’un cran, qui est mieux placé pour s’assurer de la coordination de ces actions ? On comprend bien que si les présidents des Caisses d’épargne sont démissionnés, c’est aussi en cohérence avec cette politique pour rassurer les épargnants et déposants.

– Je fais au président de la République des notes d’information, les décisions reviennent au président de la République, se retranche aussitôt le soldat Pérol face à la logique implacable du magistrat.

– On a la note de Claude Guéant du 10 octobre, sur deux paragraphes courts, annonçant la perte de 600 millions d’euros de Natixis, le trader a été licencié, ainsi que le directeur des risques Julien Carmona, ex conseiller économique de Jacques Chirac… Mais on se dit qu’on ne peut pas en rester là. On sent bien qu’il y a un suivi et qu’il appelle une réponse.

– Non, c’est une note d’information, indique François Pérol après avoir étudié le papier que lui tend le juge. La CNCE, pas Natixis monsieur le président, va faire une perte de plusieurs centaines de millions d’euros, dans un contexte de crise financière. Le secrétaire général reçoit cette information, qu’il a peut-être déjà reçue de la Banque de France ou du Trésor. Le secrétaire général informe, cela n’appelle aucune décision.

– La réponse de Mr Sarkozy du Canada dit « si des erreurs ont été commises… ».

– Le président a dit publiquement pour Milhaud ce qu’il a dit pour Bouton, coupe François Pérol. Mr Bouton a-t-il démissionné ? Non… Le président de la République a tenu des propos politiques !

– Comment peut-on être aussi précis sur les frontières et limites des missions, dès lors qu’il n’y a pas d’écrit ? interpèle un avocat des parties civiles.

– C’était ma conception de ma mission, avec mon expérience de l’administration et ma connaissance de la constitution. Je ne me suis exprimé qu’une seule fois publiquement dans le cadre de mes fonctions, le 4 décembre 2008, sur le plan de relance.

– Il y a quelques petites choses à préciser, parvient enfin à demander Madame la procureure qui s’impatiente depuis un moment qu’on la laisse aussi faire son métier dans ce procès. Vous avez dit tout à l’heure que le président prenait des décisions à la suite de notes.

– Les décisions étaient prises par le premier ministre, se rétracte l’accusé, simplement parce que ce n’est pas prévu par la Constitution.

– La garantie de l’État est plafonnée à un montant de 360 milliards d’euros, est-ce que vous avez relu ce projet de loi ?

– Je ne l’ai jamais relu, ni n’y ai apporté la moindre modification. La seule décision prise par président de la République était d’engager 360 milliards, en présence du premier ministre qui savait donc ce montant. C’était extrêmement tendu, à tel point que le Conseil d’État a dû être saisi un dimanche avant le sommet du 11 octobre à Colombey…

– Vous avez évoqué une note de Mr Guéant sur les pertes. Pouvez-vous nous dire pourquoi Mr Milhaud informe Guéant, qui dit « je lui ai redit… ».

– Car le 9 octobre correspond à l’annonce de la fusion créant BPCE, le CAC perd 9%. Le 9 octobre on ne sait pas si le système financier tiendra ou pas. Pour une fois, Mr Milhaud a fait preuve de bon sens, s’énerve François Pérol, dont le vrai visage laisse percevoir la colère si longtemps enfouie sous son masque de banquier affable.

Tirant sur ce fil conducteur, le président s’intéresse aux conditions de démission de Charles Milhaud, le patron des Caisses d’épargne, et son lien avec la fusion de BPCE et son remplacement par François Pérol : « Le 28 mai 2007, vous recevez François Sureau à partir de 16h, il reste 1h15, puis écrit son compte-rendu à Charles Milhaud ».

– Il venait me proposer des mesures de simplification administrative dans le cadre de la RGPP, et de démutualiser les Caisses d’épargnes qui deviennent des filiales de la CNCE, plutôt qu’elles en soient propriétaires. Il faut une loi pour donner le pouvoir à la CNCE sur ses actionnaires. Je me souviens d’avoir répondu qu’il n’y avait aucune demande politique, ni à droite ni à gauche, pour la démutualisation. Mr Sureau est dans son rôle de lobbyisme.

– Lors d’une audition par le magistrat instructeur, Mr Sureau répond « il m’arrivait de les voir… », « il m’a demandé des idées »., etc…, cite le président à propos de ces interrogatoires de Mr Sureau qui dit être sollicité, cote d136. Vous changez de casquette trois fois et vous retrouvez toujours avec Surean. Quelle est la démarche déontologique ? Vous sortez d’une opération que vous avez pu faire quand vous étiez à la Banque Rothschild…

– Ma ligne est toujours la même, cela fait partie de mon métier, esquive François Pérol.

– Mr Milhaud répond au mail de Sureau. Sauf à considérer que ce sont les propos de gens pas tres sérieux qui parlent en l’air…

– Monsieur le président, coupe à nouveau l’accusé excédé, Mr Milhaud a envoyé Sureau me voir pour me sonder sur la démutualisation, il ne va pas s’en vanter… C’était mon travail de les recevoir. Si je ne les reçois pas, ils sont reçus par d’autres.

– Pourquoi écrit-il « je le trouve bien disposé » ?

– Pour se rendre important, alors que ma position sur la démutualisation est toujours la même, c’est un serpent de mer. Après 20 ans de fonction publique, je connais les solliciteurs, mais on ne peut pas être hors du monde, il faut les recevoir, les traiter.

– Vous êtes souvent cité par ces solliciteurs. Cote D47 et D78, à propos d’une compensation sur Gestrim (Nexity) : « il faudra que François Pérol mène », dans un mail de Jean-Marie Messier à Charles Milhaud, à propos de la société Europacorp de Luc Besson, « on attend François Pérol ».

– Ceux qui parlent sont des lobbyistes comme Jean-Marie Messier pour Milhaud, martèle l’accusé. Peut-être qu’ils vous diraient aussi « j’en ai parlé à Mr Gosset-Grainville ». On ne peut pas les empêcher d’écrire et de parler de vous. Jean-Marie Messier, et Minc, et Ricol, et Bauer connaissent le président de la République, je ne les mets pas dehors ! Je les reçois sans rien donner.

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