Prédire les tendances économiques et boursières n’est décidément pas simple. De nombreux facteurs interagissent entre l’évolution de l’économie, la consommation et les profits des entreprises, et l’évolution des marchés financiers. La croissance, la consommation, l’investissement, l’inflation et les taux d’intérêt interagissent et rétroagissent les uns sur les autres.
Le prix du pétrole est un facteur un peu à part. Compte tenu du poids de l’énergie et de la consommation de pétrole dans les économies développées, le prix du pétrole a un impact sur l’économie de chaque pays, et sur le budget des consommateurs, qu’il s’agisse du coût de leur plein de carburant ou de leur facture de chauffage.
A l’inverse, les cours du pétrole dépendent aussi de l’évolution de l’offre et de la demande mondiale, comme pour d’autres matières premières. Mais les cours du pétrole dépendent aussi beaucoup de facteurs géopolitiques, en fonction des guerres et des alliances ou rivalités entre les grands pays producteurs et consommateurs.
La société de raffinage Esso publie une synthèse instructive de l’évolution des cours du pétrole dans son dernier rapport annuel.
L’environnement pétrolier international a évolué en 2018 dans le contexte d’une croissance mondiale modérée marqué par une hausse de la demande en pétrole brut et une forte volatilité des prix :
La demande en pétrole a progressé de 1,3 million de barils/ jour en 2018. Elle a atteint ponctuellement les 100 millions de barils/ jour au second semestre et devrait continuer à croître en 2019 et 2020, tout en restant sensible aux prix et au niveau de croissance des pays émergents.
Les prix du pétrole sont restés très volatils et l’année a été marquée par deux périodes de tendance opposée. D’abord une montée progressive du prix du baril jusqu’à un pic de 85 dollars le 7 octobre, son plus haut niveau depuis novembre 2014. Puis à partir d’octobre 2018 s’est amorcée une baisse assez brutale des cours du pétrole jusqu’à atteindre 52 dollars le baril le 28 décembre, prix le plus bas depuis novembre 2017. Ce retournement de tendance a été influencé par plusieurs facteurs : reprise d’un courant d’exportation par l’Iran à la suite des exemptions accordées par les États-Unis à huit pays importateurs de pétrole iranien, dont la Chine et l’Inde ; la hausse plus importante que prévue de la production de brut de schiste américaine et un climat d’incertitudes sur la vigueur de la croissance mondiale.
Au premier trimestre de l’année 2019 les cours ont repris plus de 20%, malgré des stocks disponibles et la poursuite de la hausse de la production des Etats-Unis. L’évolution de la crise au Venezuela pourrait perturber les approvisionnements en bruts lourds. Par ailleurs les limitations de production actuellement en vigueur pourraient être reconduites par l’OPEP qui prévoit de se réunir au second trimestre.
Outre ces forces économiques et géopolitiques, le marché des produits raffinés est aussi sensible à la transition énergétique, comme le rappelle Esso dans son rapport annuel 2019 (p.64):
Concurrence et baisse de consommation des produits raffinés
Depuis plusieurs années, l’industrie européenne du raffinage évolue dans un environnement particulièrement concurrentiel et marqué par les éléments suivants :
Un tassement de la demande en produits pétroliers en Europe (-1,7% en France en 2018), la concurrence des raffineries des États-Unis, du Moyen-Orient ou de la Russie et le déséquilibre de la demande en carburants, particulièrement accentué en France, génèrent une transformation profonde et durable du raffinage européen. Les politiques énergétiques mises en place dans les pays membres de l’Union Européenne qui favorisent une transition vers d’autres sources d’énergie devraient à terme conduire à de nouvelles restructurations.
En France, la baisse de la diésélisation du parc automobile et le rééquilibrage progressif de la consommation d’essence par rapport au gazole devrait permettre au raffinage de mieux répondre aux attentes du marché domestique, et de limiter les importations de distillats.
Facteurs environnementaux et transition énergétique
On entend beaucoup parler de la fin du pétrole. Certains espère qu’elle pourrait sauver la planète du dérèglement climatique. D’autres craignent qu’il faille encore bien longtemps avant que le pétrole soit remplacé par des énergies alternatives et renouvelables moins polluantes.
Les acteurs du secteur prennent en compte ces tendances avec pragmatisme, comme l’explique Esso dans son rapport annuel (p.65):
Les risques liés aux effets du changement climatique sont d’une part des risques de « transition » liés aux contraintes pouvant être imposées aux acteurs économiques et industriels pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, et d’autre part des risques de nature ‘physique’, avec la multiplication potentielle des phénomènes naturels hors normes.
Comme il l’a toujours fait, le groupe Esso S.A.F. continuera de s’adapter, si les conditions économiques et réglementaires le permettent, aux changements éventuels de ses marchés qui résulteraient du plan climat et de la transition énergétique.
Fin 2018, le Ministère de la Transition Energétique et Solidaire a publié une feuille de route de la Stratégie Nationale Bas Carbone pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030 (vs 1990) et viser la neutralité carbone en 2050 en s’appuyant d’une part sur l’efficacité énergétique pour baisser la consommation totale en énergie et d’autre part en faisant évoluer le mix énergétique, en faisant baisser la part des énergies fossiles de 40% en 2030 vs 2012.
Un projet de Programmations Pluriannuelles de l’Energie (PPE), en cours de consultation, a été présenté en janvier 2019 et prévoit des objectifs de réduction des consommations en produits pétroliers en baisse significative, de 35% en 2028 (vs 2012).
Pour les prochaines années, les raffineries du groupe vont continuer à se préparer pour satisfaire aux réglementations de plus en plus restrictives sur certains produits (réduction de la teneur en soufre des fiouls soutes au 1er janvier 2020) et poursuivre leurs projets d’amélioration d’efficacité énergétique et de maîtrise des émissions: tout nouveau projet de raffinage est systématiquement conçu pour être opéré avec une dépense d’énergie supplémentaire la plus faible possible. Pour les unités existantes, des projets d’économie d’énergie sont aussi étudiés.
Par ailleurs, les installations du groupe ont développé des plans de réponse aux aléas climatiques (gel, inondations…) en conformité avec les exigences réglementaires. Une description plus détaillée de ces risques figure dans le rapport sur la Responsabilité Sociale, Sociétale et Environnementale du Groupe.
Les dividendes de l’or noir deviennent plus aléatoires
Longtemps considérée comme une valeur de rendement, Esso distribue des dividendes irréguliers depuis plusieurs années, selon sa situation financière et les décisions de sa maison mère, le groupe ExxonMobil, qui contrôle 82,89% d’Esso depuis la fusion entre Esso S.A.F. et Mobil Oil Française en 2003.
Le bénéfice réalisé en 2016 a été intégralement utilisé à la reconstitution des réserves de la société et n’a pas donné lieu au versement d’un dividende au titre de cet exercice. Pour l’exercice 2017, un dividende ordinaire de 1,50 euro par action a été versé. Pour l’exercice 2018, le conseil d’administration proposera à l’assemblée générale des actionnaires de ne pas verser de dividende, indique Esso dans son rapport annuel (p.70).