Les rares hommes gagnant nettement moins que leur femme n’en seraient pas satisfaits (photo Georgie Pauwels).

Les inégalités salariales entre hommes et femmes font débat au sein de la société. On sait que ces inégalités sont accrues chez les couples avec enfants (lire notre article Salaires hommes-femmes, le casse-tête des inégalités). En public, beaucoup de gens se déclarent opposés à ces inégalités salariales, mais qu’en est-il en privé ? Comment les écarts de revenus sont-ils vécus au sein des couples ? Des chercheuses de la « City University of London » viennent de publier une étude édifiante sur ce sujet.

Deontofi.com reproduit ci-dessous les principales conclusions de cette étude:

L’écart de rémunération au sein du couple et l’impact sur le moral des hommes

Une nouvelle recherche menée par la sociologue Vanessa Gash de la « City University of London » étudie l’impact de l’écart de rémunération au sein des couples.

Cette recherche, publiée dans la revue Work, Employment and Society, se concentre sur le rôle des dynamiques interpersonnelles dans le maintien de l’écart de rémunération entre partenaires. Les universitaires se penchent sur les implications de l’écart de rémunération, entre les femmes et les hommes, sur le bien-être psychologique de ces derniers. 

Les chercheuses de la « City University of London » ont analysé un échantillon de 40 000 ménages britanniques sur la période allant de 2009 au 2017, en s’appuyant sur la base de données du panel « UK Household Longitudinal Study » (Étude longitudinale sur les ménages britanniques). 

L’étude montre que les hommes britanniques reçoivent un coup de pouce psychologique lorsqu’ils obtiennent une augmentation de salaire permettant de creuser l’écart entre leur salaire et celui de leur femme. Mais dans la situation inversée, les femmes ne ressentent pas la même chose : leur sentiment de bien-être personnel reste constant suite à une augmentation de leur salaire.

Complexe d’infériorité de revenus ?

Plus généralement, les hommes se sentent malheureux si leurs femmes gagnent plus qu’eux. Les maris ayant un revenu plus faible que leurs femmes déclarent une satisfaction dans la vie bien moindre que les hommes ayant un revenu plus élevé ou égal à celui de leurs épouses, alors que de telles différences n’ont pas été constatées concernant les femmes.

L’étude offre des preuves convaincantes du rôle des normes sexo-spécifiques sur le maintien de l’écart de rémunération entre partenaires : les hommes gagnant un « dividende psychologique » grâce aux récentes augmentations des revenus proportionnels du ménage, et une « pénalité psychologique » lorsqu’ils sont dépassés par leurs partenaires féminines.

« Ces résultats suggèrent que l’écart de rémunération entre les partenaires est soutenu par les normes du modèle traditionnel dans lequel l’homme est le principal apporteur de revenu du ménage », souligne Vanessa Gash, autrice principale de l’étude et chef adjoint du département de sociologie de la « City University of London ». 

« Nous avons constaté que les hommes souffraient lorsqu’ils gagnaient moins que leurs femmes, alors que le bien-être subjectif des femmes ne semblait pas être affecté par le fait qu’elles étaient moins bien rémunérées que leurs maris. Cette tendance s’est révélée robuste à de multiples tests », conclue Vanessa Gash.

Réflexe réactionnaire…

Ce n’est heureusement pas une généralité. Dans les détails des observations réalisées, l’étude révèle que « Certaines des relations observées sont modérées par les idéologies du rôle de genre des répondants, suggérant que la domination économique des femmes au sein du ménage n’est problématique que pour les couples ayant des opinions traditionnelles ». En clair, l’amélioration des revenus des femmes dérange plus les hommes au sein des couples réactionnaires qu’au sein des couples progressistes.

Peu de femmes mieux rémunérées

« Nous constatons des différences notables dans les contributions relatives au revenu du ménage selon le sexe », écrivent les autrices de l’étude : « Les revenus des hommes mariés ou en concubinage représentaient en moyenne 60% du revenu total du ménage, tandis que les revenus des femmes représentaient 32% en moyenne ». Seules 8% des femmes interrogées gagnaient réellement bien plus que leur conjoint (définies comme contribuant à 60% ou plus du revenu total du ménage), alors que c’était le cas pour 54% des hommes (rapportant plus de 60% des revenus du foyer). Le revenu égal était la deuxième catégorie la plus courante pour les deux sexes, représentant environ un tiers des échantillons d’hommes et de femmes. Les « revenus secondaires », qui décrivent ceux dont les revenus ont contribué à moins de 40% du revenu total du ménage, étaient la catégorie majoritaire pour les femmes, représentant 62% de l’échantillon de femmes, alors qu’ils n’étaient que 12% chez les hommes.

Une des raisons de ces écarts s’explique aussi par les interruptions de carrière des femmes. Sur l’échantillon observé, les hommes et les femmes travaillaient très majoritairement à plein temps (92% des hommes et 75% des femmes). En revanche, seules 44% des femmes déclaraient avoir travaillé à plein temps de façon continue, soit deux fois moins que les hommes (89%). Cependant, l’étude note que les femmes sont généralement plus satisfaites en matière de travail à temps partiel que les hommes, les femmes étant les plus heureuses dans les postes à temps partiel continus et plus heureuses à l’entrée dans ces postes, que les hommes

Frein à la réduction des inégalités

« Ces résultats sont importants car le bénéfice psychologique lié à l’augmentation de l’écart de rémunération entre conjoints, ainsi que la pénalité psychologique du statut de salarié secondaire pour les hommes, pourraient contribuer à la persistance des inégalités de revenus au sein des ménages », estiment les autrices de l’étude. Les hommes dont la satisfaction psychologique est améliorée en gagnant plus que leur partenaire sont incités à poursuivre et à maintenir une division traditionnelle du travail rémunéré et non rémunéré, professionnel et ménager. De même, les hommes qui souffrent psychologiquement de gagner moins que leur femme peuvent être plus réticents à partager un congé parental, à donner la priorité à l’emploi de leur femme ou à prendre toute autre décision d’emploi qui pourrait les placer dans une situation de revenu moins avantageuse à la maison. Les femmes qui sont traditionnellement plus habituées à donner la priorité à l’emploi de leur partenaire et à leurs perspectives de revenus par rapport aux leurs, ne subissent pas d’insatisfaction psychologique en raison l’infériorité de leur rémunération.

La route est décidément encore longue, pour espérer de vrais changement de mentalités dans les relations entre hommes et femmes.

Pour en savoir plus, retrouvez l’étude complète de la City University of London en anglais ici

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