Les réseaux bancaires ne vérifient pas toujours si les placements qu’ils vendent sont adaptés aux clients, comme l’AMF l’a découvert chez BNP Paribas. (photo © GPouzin)

Menacée de sanction pour des méthodes de ventes contestables de ses SCPI et produits structurés, BNP Paribas a préféré transiger avec l’Autorité des marchés financiers. Plutôt que de s’exposer à la mauvaise publicité d’un procès, la banque paiera directement une modeste amende de 600 000 euros. C’est le principe des transactions, ou « accords de composition administrative » dans le langage juridique des réglementations financières.

Dans cette affaire, BNP Paribas s’était fait épingler par le gendarme boursier pour les méthodes de vente un peu expéditives de ses Sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et produits structurés (les fameux placements à promesse du type Mahonia, lire Que penser de Mahonia mars 2027 de BNP Paribas ? ).

Selon le compte-rendu publié par l’AMF le 10 avril, on apprend que le gendarme boursier a lancé un contrôle chez BNP Paribas le 11 juin 2018, afin de vérifier le respect de ses obligations professionnelles, plus précisément sur les conditions de commercialisation des 3 SCPI et des 3 EMTN les plus vendus par BNP PARIBAS en 2017 auprès de sa clientèle de banque de détail, qu’elle soit dite « retail » ou de banque privée. L’AMF a aussi voulu vérifier le dispositif de contrôle de conformité de ces méthodes de vente par la banque.

Un an plus tard, le 23 juillet 2019, l’AMF a notifié trois réprimandes à BNP Paribas, en assortissant cette notification d’une proposition de transaction. Quels étaient les faits reprochés à BNP Paribas ? Premièrement, la banque n’a pas recueilli toutes les informations nécessaires sur ses clients en vue de fournir un conseil en investissement qui leur était adapté. Deuxièmement, BNP Paribas ne disposait pas de documents permettant de justifier l’existence et la teneur des conseils prodigués, ou lorsque de tels documents existaient, ils étaient imprécis. Enfin, l’AMF a mis en évidence des défaillances du dispositif de contrôle portant sur le recueil d’informations et la fourniture du service de conseil en investissement. En clair, la banque ne fournissait pas de conseils appropriés et adaptés à ses clients, n’était pas capable de fournir des preuves de tels conseils, et n’avais pas mis en place un contrôle interne satisfaisant de ses méthodes de vente. Classique.

Manque de conseils adaptés aux clients

Pour fournir des conseils adaptés à leurs clients, les banques et prestataires de services financiers doivent vérifier plusieurs points. Quelles sont les connaissances du client et son expérience en matière d’investissement ? Quels sont ses objectifs, et sa situation financière ? Quel est son horizon d’investissement, et son profil de risque ?
Dans 41 cas sur les 60 examinés par l’AMF, BNP Paribas a conseillé à ses clients d’acheter ses parts de SCPI ou ses produits structurés sans vérifier et disposer des informations nécessaires pour fournir un conseil approprié. Il lui manquait à chaque fois:

  • les connaissances du client ou
  • son expérience en matière d’investissement ou
  • sa situation financière ou
  • ses objectifs d’investissement ou encore
  • son profil de risque ou enfin
  • plusieurs de ces informations à la fois.

En l’absence d’un ou de plusieurs de ces éléments, l’AMF rappelle que BNP PARIBAS aurait dû s’abstenir de vendre ses placements aux clients concernés. Il s’agit d’un manquement aux dispositions du I de l’article L. 533-13 du code monétaire et financier et des articles 314-44, 314-46, 314-47 et 314-51 du règlement général de l’AMF (RGAMF).

Manque de traçabilité des conseils

Quand des banques ou prestataires de services financiers conseillent des placements à leurs clients, ils doivent conserver des preuves du caractère approprié de leurs conseils, et des placements proposés, à travers le recueil d’informations et les questionnaires de connaissance des clients sur leur expérience, leur situation, leurs objectifs, etc. En l’occurrence, ce n’était pas trop le cas chez BNP Paribas.

Dans 51 souscriptions examinées par l’AMF sur un total de 60, la banque n’était pas en mesure de fournir un document permettant de retracer le conseil fourni aux clients. Dans les neuf cas restants, BNP Paribas disposait bien d’un document concernant la vente de ses placements, mais celui-ci n’était pas assez précis pour rendre compte au client de la prestation fournie par BNP PARIBAS à l’occasion d’une souscription, c’est-à-dire du caractère approprié des SCPI ou des produits structurés au regard de leur situation et de leurs objectifs. En l’absence de traçabilité du conseil, ce serait un manquement « aux dispositions du 5 de l’article L. 533-10 et de l’article L. 533-15 du code monétaire et financier », tandis que l’imprécision des comptes-rendus existant relèverait d’une infraction « aux dispositions des articles L. 533-12 et L. 533-15 du code monétaire et financier », note l’AMF.

Absence de contrôle de conformité

Pas de conseils appropriés, pas de traçabilité des conseils, et enfin pas de contrôle interne de ces défaillance. C’est le troisième grief retenu par l’AMF contre BNP Paribas. Dans son communiqué, le gendarme boursier souligne ainsi que le contrôle hiérarchique de premier niveau réalisé par les responsables de clientèle n’a pas permis d’identifier la défaillance du recueil d’information pour fournir des conseils appropriés. Quant aux contrôles de second niveau réalisés a posteriori via le dispositif « qualité des ventes », ils n’ont rien vu de mal non plus.

En plus des contrôles opérationnels de leurs activités, les banques disposent de services de contrôle interne et de conformité très puissants, qui doivent normalement vérifier sur les procédures opérationnelles fonctionnent et satisfont leurs obligations réglementaires. Chez BNP Paribas, on avait promis un renforcement de ces fonctions après l’amende record de 8,9 milliards de dollars infligée par les autorités américaines pour infraction à l’embargo contre le Soudan, Cuba et l’Iran, en 2014.

Mais dans le cas des ventes de SCPI et produits structurés, ce contrôle interne de conformité semblait aussi peu présent, puisqu’elle « n’a pas été en mesure d’identifier le caractère inapproprié
et non opérationnel des procédures et des contrôles en vigueur » encadrant les conseils aux clients particuliers. L’AMF constate « qu’aucune action n’a été initiée par la fonction de conformité afin d’y remédier ». Il s’agirait dans ce cas d’un manquement aux dispositions de l’article 313-1 et 313-2 du RGAMF.

Compte tenu des faits relevés par le gendarme boursier, BNP Paribas a accepté les proposition de transaction sans broncher, dès le 20 août 2019. Avantage, cela lui permet d’affirmer que « le présent accord ne constitue ni une reconnaissance de
culpabilité, ni une sanction ». Selon la banque, les manquements relevés n’auraient même pas porté atteinte aux intérêts des clients.

Second avantage, la transaction permet d’éviter un procès devant la Commission des sanctions, qui aurait révélé bien plus de détails sur les manquements constatés.

Pour en savoir plus, lire le communiqué de l’AMF ici.

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