L’AMF a retrouvé la déclaration manquante d’une vente d’actions BNP Paribas par un proche de Baudouin Prot, qui transmet officiellement ses fonctions de président de la banque aujourd’hui, 1er décembre 2014. Consultable sur le site internet de l’AMF depuis le 26 novembre, cette déclaration révèle qu’un de ses proches s’est délesté en 2013 de près de 2 millions d’euros de titres BNP Paribas ne correspondant pas à l’exercice classique de cession d’actions provenant de stock-options. L’enquête avance, mais soulève de nouvelles énigmes.
Comme indiqué par Deontofi.com mercredi 19 novembre 2014, BNP Paribas, dont trois dirigeants font l’objet d’une enquête préliminaire pour délit d’initié, affirmait que toutes les déclarations de cession de titres de ceux-ci avaient été envoyées en temps et en heure, rejetant à mots couverts la responsabilité de l’absence de l’une d’elle sur l’Autorité des marchés financiers. Effectivement, le 26 novembre, la fameuse déclaration réapparaissait sur le site internet du gendarme des marchés. La porte parole de l’Autorité nous laissait entendre que le document émanant de Baudouin Prot n’avait pas été saisi par l’AMF, alors qu’à cette époque (en mars 2013) l’archivage des données par l’AMF se faisait manuellement. Autrement dit, elle aurait été momentanément « égarée » dans le flot de 6000 et 7000 déclarations de dirigeants traitées annuellement place de la Bourse. Voici donc une première énigme résolue.
Une vente d’actions dépassant l’exercice de leurs stock-options par les dirigeants
Voyons maintenant ce que contient cette fameuse déclaration que nous avons pu enfin consulter. On y trouve bien l’opération manquante : une cession de 71 700 actions BNP Paribas à un cours de 43,98 euros, soit un total de 3,15 millions d’euros, cédées par une personne physique proche de Baudouin Prot le 8 mars 2013. Ceci permet donc de constater que, contrairement à ses deux acolytes Michel Pébereau et Philippe Bordenave, l’ex-président Baudouin Prot a vendu, avec son entourage, davantage d’actions en 2013 qu’il n’en a obtenu en exerçant ses options d’achat d’actions (stock-options). Un proche du président ne s’est donc pas contenté de céder les titres émanant de l’exercice de ses stock-options, mais il s’est délesté en plus d’un joli paquet d’actions supplémentaires, pour la modique somme de 1,9 million d’euros.
Cette découverte éclaire d’une lumière nouvelle les déclarations d’une source « proche de la banque », qui présentait l’affaire autrement. Selon une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) du 18 novembre, ce messager anonyme indiquait alors que : «Les cessions d’actions [NDLR : des trois dirigeants] s’inscrivent dans le cadre d’un plan de stock-options arrivant à échéance en 2013. Les dirigeants concernés ont attendu que l’enquête américaine soit annoncée au marché [NDLR: le 14 février 2013] pour vendre leurs titres, comme ils le font tous les ans». Autrement dit « Circulez, il n’y a rien d’autre à voir que l’exercice d’options d’actions ! ». Ce qui s’avère manifestement inexact au regard de la fameuse déclaration manquante réapparue le 26 novembre 2014.
L’enquête avance, mais l’énigme résolue soulève de nouvelles questions
Quel « proche de la banque » a bien pu vouloir faire croire, anonymement, que les ventes des dirigeants s’étaient limitées à l’exercice de leurs options habituelles ? Savait-il que c’était faux ? Et que vaut l’information selon laquelle les dirigeants auraient attendu « que l’enquête américaine soit annoncée au marché » pour vendre leurs actions, alors que BNP Paribas l’avait seulement évoquée de façon sibylline, au détour d’un communiqué de presse sur ses résultats 2012 ?
En février 2013, la banque s’était contentée de glisser deux petites phrases, assez confuses et minimalistes pour esquiver l’attention, noyées en page 15, au beau milieu du flot de faits et chiffres d’un communiqué de 30 pages. L’annonce en question consistait alors à écrire « la banque poursuit la revue interne rétrospective des opérations susceptibles d’être considérées comme en inadéquation avec les sanctions économiques édictées par les autorités américaines. Il est à noter que des revues similaires ont été réalisées dans nombre d’institutions et ont souvent conduit à des accords transactionnels en fonction des circonstances propres à chaque situation ».
De quelle « annonce au marché » parle-t-on ? De quelles informations BNP Paribas et ses dirigeants disposaient-ils vraiment aux différents stades de l’enquête américaine ? A quelle date ont-ils commencé à disposer d’estimations assez précises du risque d’amende encouru ? Ces informations ont-elles été réellement « annoncées au marché » avant les ventes d’actions par les dirigeants ?
Les réponses à ces questions résoudront peut-être les nouvelles énigmes soulevées par cette enquête…
Si vous avez manqué le début :
1. Notation extra-financière : BNP Paribas dégradée par Vigeo
2. Délit d’initié : des ventes d’actions BNP Paribas occultées par Baudouin Prot ?
3. Où trouver les informations sur les déclarations des dirigeants de BNP Paribas
4. Maître Canoy porte plainte pour délit d’initié, fausse information et manipulation de cours sur BNP Paribas