A l’occasion d’une nouvelle série d’articles dénonçant les manœuvres de dirigeants malhonnêtes pour fausser l’information du public en multipliant les mensonges et procès abusifs contre les journalistes et leurs sources, Deontofi.com publie des extraits d’une contribution sur ce thème parue dans la revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Éthique publique (n°2013-vol. 15, n°1), sous la direction de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada).

A l’occasion du centenaire de l’assassinat de Jean Jaurès, les syndicats de journalistes étaient venus rappeler au président de la République ses engagements pour la liberté de la presse, au Café du Croissant, le 31 juillet 2014. De gauche à droite: Jean Tortat (CGT), Dominique Pradalié (SNJ), Gilles Pouzin (SJ CFTC) et Jean-François Cullafroz (Journalistes CFDT).

Cette contribution a été rédigée par Gilles Pouzin entre novembre 2012 et mars 2013, en tant que journaliste fondateur du site Deontofi.com, membre fondateur de l’Observatoire de déontologie de l’information et à l’époque secrétaire général du Syndicat des journalistes CFTC.

Comment améliorer la déontologie de l’information en France ?

« Les lecteurs, les pouvoirs publics et les éditeurs de presse revendiquent une nécessaire amélioration de la déontologie de l’information, et de nombreuses initiatives ont été lancées dans ce but. Pourtant, de nombreuses sources profes­sion­nelles liées à différents pouvoirs (politique, économique, financier…) manipulent délibérément la presse pour empêcher la révélation de faits compro­mettants. Les dirigeants politiques et les dirigeants d’entreprise multiplient les détournements de procédures judiciaires à l’encontre des journalistes qui révèlent leurs secrets honteux. Les mensonges délibérés à la presse restent impunis dans l’indifférence du public.

Pourquoi la déontologie du journalisme ne suffit-elle pas pour garan­tir la déontologie de l’information ? Comment améliorer la déontologie de l’information en identifiant et en supervisant mieux ses sources de dérive ?

La nouveauté est que les sources qui manipulent l’opinion à travers la presse (dirigeants d’entreprises et de partis politiques) discréditent de plus en plus son message.

La déontologie des journalistes est une dimension nécessaire mais totalement insuffisante pour assurer la déon­tologie de la presse et de l’information en général. Dans la presse, il n’y a pas que des journalistes, il y a aussi des lecteurs, des éditeurs de presse et actionnaires des médias, des annonceurs publicitaires et des sources d’in­for­mations « brutes » qui sont la matière première des journalistes. Or, les journalistes sont de moins en moins nombreux par rapport aux profession­nels de la communication qui leur livrent une matière première pas tou­jours déontologique.

Les relations publiques face à l’indépendance des journalistes : un match à 6 contre 1 !

Aux États-Unis, on comptait près de six professionnels des relations publiques pour un journaliste en 2009, contre à peine plus de deux com­mu­nicants pour un journaliste en 1980, ce qui était déjà beaucoup, selon les données compilées par Jamil Jonna pour Death and Life of American Journalism (Vie et mort du journalisme américain, par Robert McChesney et John Nichols). La tendance est la même en France.

Le rapport des forces en présence déséquilibre les conte­nus éditoriaux et finit par décrédibiliser l’indépendance de la presse aux yeux du public. La voix dominante des experts défenseurs du libéralisme (pour la déréglementation et contre toute régulation coercitive), ou des scientifiques liés aux industries dont ils défendent les arguments (chimie, pharmacie, pétrole, énergie nucléaire, industrie alimentaire…), accroît le soupçon du public sur la déontologie « biaisée » des médias qui relayent ces sources d’information.

En France, on a le droit de mentir à la presse pour désinformer les citoyens !

En France, on n’a pas le droit de mentir à la justice, c’est un délit de parjure. On n’a pas le droit de mentir aux comités d’entreprise, c’est un délit d’entrave. On n’a pas le droit de mentir au fisc, c’est une fraude. On n’a pas le droit de mentir à son assureur, c’est une fraude ou une clause de nullité. Même en matière publicitaire, le mensonge peut être réprimé pour publicité mensongère. Mais paradoxalement, on a le droit de mentir à la presse et personne ne s’en émeut. Les journalistes et le public sont quotidiennement victimes de mensonges provenant de sources non journalistiques. Face à ce fléau pour la déontologie de l’information, la CFTC a demandé que le mensonge délibéré à la presse soit reconnu comme un délit pénal, au même titre que la diffamation, condamnable depuis la Loi de 1881 sur la liberté de la presse. »

Comment améliorer la déontologie de l’information en France ? En complément de ces extraits, lisez l’intégralité de notre contribution à la revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Éthique publique (n°2013-vol. 15, n°1), sous la direction de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada).

Un commentaire

  1. Jean-Marie, le

    A la base de la déontologie de l’information il doit y avoir le souci d’utiliser le juste mot pour la juste chose, le souci des mots pesés pour éviter, sinon réduire les maux pesants.

    Si les humains ont généralement besoin de mots pour penser, il ne faut pas laisser les mots – tels démocratie, république, laïcité,, croissance, etc… – penser pour nous. Or c’est hélas une habitude très répandue, y compris chez ceux qui nous représentent et/ou gouvernent et/ou informent

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