Les pratiques habituelles des banques vis-à-vis de leurs clients relèvent-elles réellement des lois favorisant la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme (LAB-FT) ? Ou d’autres coutumes plus confuses ? (photo © GPouzin)

Quelles sont réellement les obligations de vérification des banques et les obligations déclaratives de leurs clients en matière de vigilance anti blanchiment ? Le sujet fait débat et les clients sont légitimement agacés par l’inquisition intrusive des banques ne respectant pas toujours la confidentialité et la vie privée de leurs clients.

Il ne faut pas confondre la lutte anti blanchiment (LAB) et l’obligation de connaissance des clients (KYC en anglais pour « know your clients »), ni les obligations de procédures des banques et la liberté de confidentialité des clients, comme Deontofi.com le rappelle régulièrement, notamment en réponse aux nombreuses questions posées dans le forum sous cet article:

https://deontofi.com/devez-vous-repondre-aux-demandes-dinformations-de-votre-banque/

Pour prendre en compte votre situation professionnelle et financière, dans le cadre de son devoir de conseil, votre banque a effectivement besoin de connaître votre activité, le montant et la provenance de vos revenus ainsi que la composition et l’étendue de votre patrimoine.

Rien de neuf, et surtout rien d’obligatoire ici pour les clients. Il s’agit d’une habile confusion entretenue par la banque entre ses obligations de lutte anti blanchiment, vis-à-vis des autorités, et son obligation de connaissance du client dans le cadre de ses activités commerciales et des conseils prodigués pour caser ses produits.

Un récent communiqué de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et du service de lutte anti-blanchiment Tracfin fait le point sur les procédures de déclaration de soupçon imposées aux banques en cas de doute sur l’origine ou la destination des fonds, et notamment en cas de soupçon de blanchiment. A cette occasion Deontofi.com a voulu préciser avec l’aide de Tracfin les textes légaux à l’origine de ces obligations des banques entourées d’une grande confusion, en répondant à ces deux questions :

– quels textes récapitulent les obligations de communication d’information des clients pour l’ouverture ou maintien d’accès à leur compte (justificatif d’identité et de domicile…) ?

– sur la base de quels textes une banque peut-elle bloquer le compte d’un client refusant de répondre au questionnaire LAB ? (alors qu’en pareille situation la banque a plutôt une obligation de discrétion envers les clients faisant l’objet de soupçons qu’elle devait déclarer à Tracfin).

Voici les précisions apportées par le service de lutte contre le blanchiment.

Les références législatives et réglementaires du Code monétaire et financier relatives aux obligations d’identification et de vérification d’identité de la clientèle, ainsi que de connaissance de la relation d’affaires :

– articles L.561-5 et L.561-5-1 ainsi que l’article L. 561-6 qui porte plutôt sur la vigilance constante, soit la surveillance des opérations au regard de la connaissance « actualisée »;

– ainsi que, jusqu’au 1er octobre 2018, date d’entrée en vigueur du nouveau décret LCB-FT n.2018-284 du 18 avril 2018, des articles R561-5 (sur les documents d’identité) et R. 561-12 (sur la connaissance).

On nous signale aussi l’arrêté du Ministre chargé de l’Économie du 2 septembre 2009 auquel renvoie l’article R561-12 et qui donne une liste indicative des éléments d’information liés à la connaissance du client et de la relation d’affaires à collecter selon une approche par les risques (dont le justificatif de domicile, les ressources, la provenance des fonds etc…).

Pour la non-exécution des opérations et la rupture de la relation d’affaires, il s’agit des dispositions de l’article L.561-8 ( soit dès lors qu’on n’est pas en mesure de vérifier l’identité du client ou le cas échéant du bénéficiaire effectif) ou de mettre à jour les éléments d’information nécessaires à l’exercice de la vigilance constante. En cas de soupçon, une déclaration de soupçon à Tracfin doit être effectuée, en amont ou concomitamment à la clôture du compte.

Enfin, les lignes directrices conjointes ACPR/Tracfin sur les déclarations de soupçon mises à jour au 15 février 2018 (cf. lien ci-après) comportent quelques développements sur ces différents points dans les paragraphes 1.1.1 et 1.1.2 (vigilance) ainsi que 2.4.5.2 (déclarations de soupçon en lien avec une rupture de relation d’affaires) et 3.5 (rupture éventuelle de la relation d’affaires). https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/media/2018/04/30/022018_ld_ds_tracfin_1.pdf

Deontofi.com reproduit ci-dessous le communiqué commun de Tracfin et de l’ACPR.

Communiqué de presse


Paris, le 20 avril 2018

LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX
ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME
Actualisation des lignes directrices conjointes ACPR/TRACFIN
relatives aux obligations de déclaration de soupçon des organismes financiers

La forte implication des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en 2016 et 2017 s’est traduite par une hausse sans précédent du nombre de déclarations de soupçon reçues à TRACFIN en 2 ans (+59% entre 2015 et 2017).
À partir de ce constat, il est apparu nécessaire d’adapter les lignes directrices relatives aux obligations de déclaration de soupçon des organismes financiers (banques, assurances, mutuelles…) soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de préciser les attentes du superviseur et de TRACFIN en la matière, y compris sur les différentes étapes du processus conduisant, le cas échéant, à une déclaration de soupçon.
Les lignes directrices conjointes ACPR / TRACFIN 2018 se substituent à celles publiées en novembre 2015. Elles tiennent notamment compte des dernières évolutions législatives intervenues aux fins de renforcement de la lutte contre le financement du terrorisme :
– pouvoir de désignation à Tracfin de personnes ou opérations présentant un risque élevé de blanchiment de capitaux (BC) et de financement du terrorisme (FT) instauré par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement ;
– élargissement du champ de l’obligation déclarative en matière de financement du terrorisme à toute opération ou somme en lien avec le financement du terrorisme acté par l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 transposant pour la partie législative la 4ème directive dite « anti-blanchiment ».
Les lignes directrices prennent également en compte :
– la jurisprudence du Conseil d’Etat sur le champ de l’obligation déclarative en matière de blanchiment de capitaux qui a ainsi confirmé le fait que le soupçon sur l’origine des fonds peut naitre au moment d’une opération de retrait de fonds, tout aussi bien qu’une opération de dépôt, versement ou remise (1) ;
– et les 11 décisions de sanction disciplinaire prises par la commission des sanctions de l’ACPR en matière de LCB-FT entre fin 2015 et le 15 février 2018, dont les enseignements portent notamment sur la détection des opérations atypiques ou suspectes, l’analyse des alertes, l’examen renforcé ou encore l’obligation de célérité à chaque étape du processus conduisant, le cas échéant, à une déclaration de soupçon à Tracfin.
TRACFIN et l’ACPR appellent l’attention des organismes financiers soumis au contrôle de l’ACPR sur le caractère évolutif des typologies de financement du terrorisme et attendent de leur part un haut niveau de vigilance adapté à leurs produits, opérations et clientèles.
Ils rappellent également l’attention à porter au risque de blanchiment de fraude fiscale, y compris dans le cadre des opérations de rapatriement de fonds depuis l’étranger.
Les nouvelles lignes directrices ont fait l’objet, préalablement à leur adoption, d’une concertation au sein de la Commission consultative « Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » instituée par l’ACPR. Elles sont publiques et feront l’objet d’adaptations ultérieures pour tenir compte des évolutions réglementaires ainsi que des retours d’expérience de l’ACPR et de TRACFIN. Elles seront ainsi à nouveau mises à jour à l’occasion de l’entrée en vigueur prévue le 1er octobre 2018 des dispositions du décret n° 2018-284 du 18 avril 2018 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui transpose la 4ème directive anti-blanchiment pour la partie réglementaire.

(1) Décision du Conseil d’État n°374950 du 20 janvier 2016

Consulter les Lignes directrices TRACFIN/ACPR sur :
Site ACPR : https://acpr.banque-france.fr
Site Tracfin : www.economie.gouv.fr/tracfin/

Retrouvez ici le document très complet (77 pages) récapitulant les « Lignes directrices conjointes de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de TRACFIN sur les obligations de déclaration et d’information à TRACFIN – Document de nature explicative (Version actualisée avec mise à jour des dispositionslégislatives au 15 février 2018) » :

https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/media/2018/04/30/022018_ld_ds_tracfin_1.pdf

Rappel de Deontofi.com (en écho au rappel émis par toutes les institutions) : aucune autorité ni institution ne vous contacte par courriel ou téléphone pour vous demander vos coordonnées bancaires sous aucun prétexte, ceux qui le font, sous quelque prétexte que ce soit, sont obligatoirement et systématiquement des escrocs.

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