Pitcher devant des VCs étrangers ! Tout un programme. Mais les initiés au jargon des business angels auront compris.

BPI France prépare pour cet automne une grande soupe entrepreneuriale dans laquelle les patrons de PME sont priés de ne pas cracher, mais qui pourront « pitcher », du verbe « to pitch » signifiant planter ou balancer en anglais, mais tout le monde s’en fout, on sait vaguement que ça équivaut à faire une présentation résumée dans le jargon TV), devant des VCs étrangers. Seuls les ringards ignorent que les VCs ne sont plus des lieux d’aisance, mais de vaillants capitalistes aventuriers (ou venture capitalists), c’est-à-dire des gérants de fonds d’investissement à risque en actions de jeunes pousses non cotées , pardon startups.
Cette folle journée se déroulera le 12 octobre jusqu’à la nuit à l’AccorHotels Arena Paris, l’ex-POPB (Palais Omnisport de Paris Bercy) qui n’a rien d’un hôtel mais fut rebaptisé ainsi à la marque de son sponsor, arena étant le nouveau terme latin désignant un stade en américain. Ce sera, selon l’organisateur BPI France »le plus gros événement d’émulsion entrepreneuriale d’Europe », c’est-à-dire selon le dictionnaire, « une dispersion plus ou moins stable, sous forme de gouttelettes microscopiques (les jeunes pousses ?), d’un liquide (les entrepreneurs ?) dans un second (les VCs et leurs fonds ?), non miscible avec le premier (c’est un euphémisme, quand on connaît les mœurs des VCs avec les entrepreneurs et startups qu’ils financent !).« 
A moins que ce ne soit le nouveau sens que semblent adopter certains de nos compatriotes pour économiser une syllabe dans leur émulation, c’est-à-dire, toujours selon le dictionnaire, ce « sentiment, considéré comme noble, louable, qui pousse à surpasser ses concurrents dans l’acquisition de compétences, de connaissances, dans diverses activités socialement approuvées« , telles que la pratique du globish.
Plus sérieusement, au delà de ce billet d’humeur, l’événement mérite évidemment l’intérêt des lecteurs souhaitant découvrir le monde mystérieux des entreprises de demain qui promettent de changer le monde.
Sur la question de la langue, l’objet de ce billet d’humeur n’est pas de défendre un immobilisme linguistique qui refuserait les emprunts et néologismes, mais plutôt d’interroger la quête de sens de ceux qui cèdent souvent à la facilité en utilisant des mots approximatifs, mal ou pas traduits, dont les utilisateurs ont généralement le plus grand mal à expliquer le sens précis, quand ils le comprennent eux-mêmes, ce qui est loin d’être toujours le cas.
Ayant vécu aux Etats-Unis et écrivant par ailleurs régulièrement des articles en anglais, croyez-bien que j’apprécie la langue de Shakespeare et ses subtilités autant que le français. C’est même une des raisons qui m’avait poussé à siéger pendant de nombreuses années, dans la décennie 2000, à la commission de terminologie et de néologie économique et financière, sorte de comité Shadok bien sympathique se réunissant une fois par an à Bercy pour discuter du sens des jargons anglo-saxons s’immisçant dans la langue de Voltaire, en leur cherchant des traductions appropriées utilisables par le grand public comme l’administration. Ce qu’il y avait de formidable dans cette réunion, c’est que les meilleurs défenseurs de la langue française étaient souvent des correspondants anglo-saxons installés à Paris, notamment canadiens mais aussi britanniques ou américains.

Deontofi.com s’associe sans restriction à la « journée de la langue française dans les médias », organisée chaque année en mars mais qui devrait être un engagement permanent pour la clarté de l’information. (photo © GPouzin)

Cette parenthèse rappelle une citation attribuée au percepteur chargé d’enseigner l’anglais au jeune Puyi, dernier empereur de Chine, dans le film éponyme : « If you can’t say what you mean, you won’t mean what you say! »  (si vous ne savez pas dire ce que vous pensez, vous ne penserez pas ce que vous dites). A méditer.

Ceux que ce sujet intéresse, ou qui recherchent des solutions de substitution au jargon anglo-saxon, consulteront avec intérêt le dictionnaire en ligne de ces nouveaux mots ou traductions officielles ici: http://www.culture.fr/franceterme
Depuis 2015, la France organise chaque année en mars une « journée de la langue française dans les médias ». Sur Deontofi.com, notre promesse éditoriale est d’expliquer la finance en français facile, tous les jours de l’année, dans chaque papier, comme celui-ci 😉
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