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Mon banquier me dit qu’il ne touche pas de commission pour me recommander un placement plus qu’un autre, est-ce vrai ? Gilles Pouzin répond sur Deontofi.com et BFM Business TV.

Oui et non. C’est une question très intéressante car elle touche à un des secrets de polichinelle les plus tabous en France, concernant la rémunération des distributeurs et des conseillers en investissements. Dans la plupart des domaines de consommation, on appelle un vendeur un vendeur, mais pas dans la banque. Dans ce domaine, les salariés sont bien recrutés comme agents commerciaux pour vendre des services aux clients, mais ils sont présentés aux clients comme conseillers, sans préciser que la motivation de leur conseil est bien de vendre aux clients des services qui rapportent à la banque.

C’est un sujet d’actualité, car aux Etats-Unis la banque Wells Fargo vient d’écoper de 185 millions de dollars d’amende, début septembre, pour des pratiques commerciales abusives, et cette banque a annoncé depuis qu’elle projetait de supprimer tous les objectifs de vente dans son activité de banque de détail pour les particuliers à partir de l’année prochaine.

En France, la situation a évolué mais elle reste très opaque et assez malsaine, pour les salariés comme pour les clients des banques. Jusqu’aux années 2000, les « conseillers » des banques touchaient des commissions et des primes pour les inciter à vendre certains placements ou services à leurs clients, ce qui entraînait des ventes inappropriées avec des déceptions et litiges à la clé qui pouvaient coûter cher à la banque en procès.

Depuis 2005, avec l’entrée en vigueur de la Loi de sécurité financière du 1er août 2003, ces systèmes de primes individuelles sur les produits vendus sont interdits, pour éviter de biaiser les conseils. Mais les banques ont trouvé deux parades qui aboutissent à peu près au même résultat, parfois en pire. Premièrement, elles n’ont plus le droit de distribuer des primes individuelles pour inciter à vendre un placement ou service spécifique, mais elles peuvent distribuer des primes collectives, par exemple par équipe ou par agence. Deuxièmement, elles peuvent fixer des objectifs de vente par équipe, ou par agence, qui peuvent avoir des effets très pervers, que ce soit pour la santé des salariés des banques ou pour la pertinence et la qualité de leurs conseils.

L’astuce consiste à donner aux salariés une part de rémunération variable dépendant directement de leur capacité à vendre plus que leurs collègues. C’est un peu le concours de l’employé du mois. On a vu des systèmes ou la satisfaction des clients ne comptait que pour 5% dans la note du salarié, avec une pression telle que les salariés renonçaient à demander le paiement des heures supplémentaires, ou rognaient sur leurs congés pour vendre toujours plus et garder leur emploi. Certaines banques ont déjà été sanctionnées par la justice pour ce type d’organisation jugée contraire au droit du travail, car il est interdit de mettre en concurrence les salariés, en plus de constituer « incitation pernicieuse à contourner la réglementation pour faire du chiffre », comme l’a estimé le tribunal en condamnant les Caisses d’Epargne.

En résumé, si votre banquier vous dit qu’il ne touche pas de commission pour vous vendre un placement plus qu’un autre, ce n’est pas totalement faux : il touche des commissions mais collectives et pas directement liées à la vente du placement qu’il tente de vous caser. Mais ce n’est pas totalement vrai, puisque sa rémunération variable dépend de la réalisation des objectifs collectifs dont la vente de placements fait partie. De fait, il oublie peut-être de vous signaler qu’il risque d’être pénalisé s’il ne vend pas autant que ses collègues.

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