Le procès en appel pour abus de confiance des ex-dirigeants du complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) est l’occasion de comprendre comment 450 000 épargnants se sont fait piéger par ses fausses promesses. Deontofi.com publie les plaidoiries des quatre avocats défenseurs des victimes du Cref, telles que présentées à l’audience du 6 décembre 2013. (Tous les articles sur l’affaire Cref ici)

Plaidoirie de Maître Nicolas Lecoq-Vallon. Troisième partie (3 sur 3)Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants victimes de promesses trompeuses, ici lors du procès du Cref (photo © GPouzin)

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants victimes de promesses trompeuses, ici lors du procès du Cref (photo © GPouzin)

Quel est le système de défense des prévenus ? s’interroge l’avocat en anticipant les plaidoiries de ses contradicteurs. Il y a une reconnaissance du fait que les adhérents n’avaient pas l’information. La matérialité du délit est établie. La défense joue la carte du brave type : « j’ai fait ce que je pouvais, je suis venu par ce qu’on le l’a demandé, je suis assez incompétent, ma culpabilité n’est pas caractérisée même si j’ai reconnu les faits ».

Ce n’est pas seulement grave, c’est une atteinte à l’ordre public majeure. On a parlé des victimes, nous sommes dans une problématique d’appel public à l’épargne. Personne ne conteste qu’il y avait une collecte publique, un prosélytisme dans les établissements pour faire adhérer, et il y a encore des publicités pour le Corem dont les adhérents vont payer les pots cassés. On est dans les dispositions de l’article 314-2 du Code pénal, qui porte la peine maximale à 7 ans d’emprisonnement quand l’abus de confiance porte préjudice à une mutuelle ou un organisme d’entraide sociale. On nous dira qu’il est prévu pour les seules associations et que c’est un principe strict. Mais l’article L111-1 du Code de la mutualité répond en précisant que les mutuelles « mènent, notamment au moyen des cotisations versées par leurs membres, et dans l’intérêt de ces derniers et de leurs ayants droit, une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide ». La solidarité et l’entraide sont assimilées par la jurisprudence et cette affaire est d’une telle gravité qu’elle justifie l’application de ce texte. Il entraîne les prévenus dans un principe de responsabilité d’autant plus fort qu’ils se défendent en disant « je gérais 4 milliards d’euros, quelle responsabilité ! ». C’est contradictoire avec la thèse soutenue par la défense : on ne peut pas invoquer une importante charge et en même temps un peu moins de responsabilité.

Ces déclarations des prévenus sont un aveu de culpabilité car ils savent que la tâche est lourde, ils ne pouvaient pas l’ignorer. Ce discours est révélateur quand Monsieur Teulade nous dit j’ai réussi à faire passer le nombre d’adhérents de 50 000 à 450 000, quelle collecte ! De 1989 à 2000, dates du fonctionnement illégal du Cref, ce sont 350 000 nouveaux adhérents, autant de nouvelles victimes, venus sans savoir que ce système de complément de retraite est voué a l’échec, géré par des personnes malhonnêtes qui se rétribuent par des avantages en nature illégaux. La gravité du délit est caractérisée par cette collecte. Si le Cref a fonctionné et fait autant de victimes supplémentaires c’est que son dirigeant y avait intérêt, pour maintenir ses avantages personnels, comme les autres.

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants, après une audience du procès Cref. (photo © GPouzin)

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants, après une audience du procès Cref. (photo © GPouzin)

L’incurie des prévenus est inacceptable et choquante dans cette affaire. Bien sûr ce n’est pas un crime d’habiter au parc Monceau, mais avec l’argent des autres c’est particulièrement grave. On a demandé à monsieur Attali s’il occupait un logement de luxe, ce qu’il n’a pas contesté, ce sont les collègues, des instituteurs, qui ont versé cet argent pour leur fin de vie, en investissant aussi dans ces immeubles. Est-ce qu’à un moment ils ont senti une gêne. Non, aucune remarque, rien. Un seul a fait une réflexion honnête, intéressante et révélatrice, c’est monsieur Vaucoret, quand il dit « effectivement, quand on annonce en octobre 2000 la fin de l’indexation, j’étais gêné de revenir sur un droit acquis ». Il a l’honnêteté de reconnaître que c’est d’autant plus grave dans ce régime. Pour les autres on n’a pas davantage de prise de conscience aujourd’hui. Ils n’ont rien appris, aucun scrupule, aucune gêne. Les victimes, elles, ont appris que le fait qu’on soit dans l’économie solidaire ne veut pas forcément dire qu’on a affaire à des gens honnêtes.

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