Le procès en appel pour abus de confiance des ex-dirigeants du complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) est l’occasion de comprendre comment 450 000 épargnants se sont fait piéger par ses fausses promesses. Deontofi.com publie les plaidoiries des quatre avocats défenseurs des victimes du Cref, telles que présentées à l’audience du 6 décembre 2013. (Tous les articles sur l’affaire Cref ici)

Plaidoirie de Maître Nicolas Lecoq-Vallon. Deuxième partie (2 sur 3)Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants victimes de promesses trompeuses, ici lors du procès du Cref (photo © GPouzin)

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants victimes de promesses trompeuses, ici lors du procès du Cref (photo © GPouzin)

Pourquoi mes clients sont recevables et en quoi leur préjudice a un lien direct avec les faits reprochés ? En face, on nous dit que leur préjudice est indirect : « vous n’étiez pas adhérents de l’Union mais des mutuelles départementales, circulez y a rien à voir ». Cet argument a été utilisé dans toutes les procédures, mais enterré dès le début. Dans les faits, il y avait un principe de paiement direct par les adhérents à chaque caisse de répartition et de capitalisation. Dans le document contractuel, mais aussi les certificats de souscription et les relevés de l’Umrifen, on voit bien qu’il y a une gestion directe. Le règlement dit qu’il y a un principe de connexité et chaque centime détourné provient des épargnants du Cref. Il était prévu que les éventuels excédents du Cref soient reversés dans les caisses départementales, pour une majoration des prestations. C’est bien l’argent directement investi entre les mains de ces caisses. Et les dépenses contestées, somptuaires et illicites, viennent réduire les réserves des caisses. Cela a été rappelé par l’Igas et le Courrier des mutuelles lui-même, bien que les parties adverses en ait fait bronca. Par exemple dans un Courrier des mutuelles de 1997 page 17. On a bien ce lien direct, jugé dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 juillet 2001. C’est une décision très importante car elle porte sur le recours des dirigeants contre l’Igas qui leur enjoint de respecter le Code de la mutualité ou de couvrir les engagements, soit un trou de 1,5 milliards d’euros. Le Conseil d’Etat juge que le Cref fonctionne illégalement depuis 1989, justement parce que les droits sont versés à l’Umrifen.

Quel est le préjudice de mes clients ? C’est d’abord un préjudice moral considérable, comme il est ressorti des dépositions d’hier. Vous demandiez quel était le lien entre les détournements et le régime de retraite. Evidemment monsieur Parma ne connaît pas le système financier, mais il dit : « il y a un principe qui n’a pas été respecté, je suis en grande difficulté, je dois faire appel à mes proches ».

Le détournement des dirigeants est tout à fait insupportable. Il participe du préjudice moral supporté par chacun, dont certains qui sont dans des situations matérielles désespérantes. C’est un drame pour nombre d’entre eux, quels que soient les montants en jeu.

Sur la réalité du préjudice économique, nous avons versé un rapport d’expertise. On s’est gaussé dans la partie adverse de l’utilité du CIDS. Il a pourtant obtenu une décision de justice qui a permis de récupérer une partie de l’argent, en

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants, après une audience du procès Cref. (photo © GPouzin)

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants, après une audience du procès Cref. (photo © GPouzin)

engageant la responsabilité de l’Etat car la gestion illégale aurait du être découverte plus tôt si la CCMIP et l’Igas avaient fonctionné normalement. La justice administrative a considéré que la tardiveté de cette information, publiée en octobre 2000, a causé un préjudice aux adhérents. La Cour d’Appel a suivi le même raisonnement. Les préjudices ne sont pas les mêmes, mais les mécanismes sont les mêmes. Mes clients ont perdu la chance d’aller placer leur argent ailleurs comme ils auraient pu le faire si l’information du Cref avait été correcte. C’est la raison de sa condamnation.

Le préjudice est grave, d’une grande ampleur. Immense, puisqu’il touche plus de 5000 victimes demandant réparation, et 450 000 en tout. Si l’intention frauduleuse et la responsabilité des prévenus nous intéressent aujourd’hui, c’est la notion de dissimulation qui doit être retenue. Dans toutes les affaire d’épargne, et c’est la plus importante jamais vue, la notion de respect de la confiance et des engagements est essentielle. Le fait de dissimuler l’information de manière délibérée a été retenu par le Conseil d’Etat et les tribunaux civils en mars 2012, le 14 juin 2010, et encore à l’appel civil en 2011.

Ces données sont falsifiées, c’est une véritable tromperie, gérée par des individus qui ne respectent pas le principe de bénévolat et s’enrichissent bien au delà des frais liés à leurs mandats. Le rapport de l’Igas est le premier à pointer, et cela remet en question le caractère non lucratif du Cref, que le cumul d’indemnités est beaucoup trop coûteux par rapport aux besoins de la mutuelle. Pourquoi les dirigeants s’octroient des contrats d’assurance Mutex pour 116 800 francs et 93 832 francs en 1997 ? Ces produits sont acquittés

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat. (photo © GPouzin)

Maître Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des épargnants victimes du complément de retraite des épargnants et fonctionnaires (Cref). (photo © GPouzin)

avec l’argent de la mutuelle et ne sont pas conformes avec son caractère non lucratif. C’est aussi le cas de leurs véhicules personnels, des appartements qui coûtent 1,4 million de francs par an. La caractérisation de cet enrichissement personnel ne peut pas être considérée comme un défraiement, bien supérieure à la valeur locative du logement de fonction d’un instituteur. On est réellement dans un système d’enrichissement.

L’argument adverse que cela représentait une petite partie de l’épargne n’est pas recevable. Même si cela ne représente que quelques centimes par plaignant, c’est toujours trop au regard du préjudice moral d’avoir été trahi par une fausse promesse. J’ajouterai que lorsque le préjudice économique a été jugé en 2011, nous avons constaté que la MRFP ne faisait pas de demande d’indemnité alors que le préjudice se chiffre à plus de 3 millions d’euros. C’est un procédé scélérat de la MRFP de ne pas faire de demande. Sa constitution de partie civile pose un problème de recevabilité. C’est pourquoi la MRFP était bien mal représentée et la raison pour laquelle nous demandons que les versements soient effectués entre les mains de Maître Le Bras.

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