Nouvel article de Marie-Jeanne Pasquette. Les banques font toujours l’objet d’un véritable jeu de massacre. « Les banksters », le dernier livre de notre confrère Marc Roche, correspondant du Monde à la City, nous conte par le menu les dernières dérives financières et explique pourquoi les dirigeants de banque échappent aux peines de prison prévues pour leurs délits. 

Manifestation Porte Maillot à Paris organisée par le comitié de soutien à Jacques Cheminade, alors candidat à la présidentielle.

Diffusion de tracts anti-banques Porte Maillot à Paris pendant la campagne présidentielle. (photo MJPasquette)

Pourquoi tant de haine ? Depuis 2008, les banquiers se sentent persécutés. Les incivilités de la part de la clientèle avaient augmenté de 14 % en 2009, de 15 % 2010, de 34 % en 2011, avant de stabiliser en 2012 puis de repartir légèrement à la hausse ces derniers mois. Injures, insultes, menaces, agressions comportementales ou même parfois physiques, les clients expriment leur malaise vis-à-vis de la « haute finance » aux salariés des agences eux-même malmenés par cette « haute finance ». On les épingle pour une peccadille alors que les fraudes et les pertes de la banque casino se comptent en milliards d’euros !

Pourtant, pendant toutes ces années de crise (2008-2013), le sentiment de la clientèle est resté diffus. « Dénigrer les banques » relevait de discussions de café du commerce. Bref, face à son banquier, on manquait d’arguments bétons tandis que les subprimes leur servaient de paravent. Or, peu à peu, le voile se déchire. La réalité est piteuse : dans les années 2005-2007, les banques françaises comme les autres ont relâché le contrôle, elles ont pris plus de risques. Le scandale du Libor, le rôle ambivalent de la Société Générale dans les pertes Jérôme Kerviel en 2008, les déboires grecques du Crédit Agricole et pour finir l’amende américaine de BNP Paribas en 2014…la facture est lourde. Or, la finance malade pénalise le financement de l’économie, la tarification des services bancaires et même l’emploi puisque les banques se sont séparées de nombreux salariés.

Les journalistes admis dans le marigot pourvu qu’ils n’en percent pas les mystères

bankstersMarc Roche a choisi dans ce climat favorable à « l’indignation financière » de publier son troisième livre ( après « La Banque, comment Goldman Sachs dirige le monde », puis, « Le capitalisme hors la loi »). « Les banksters » est un ouvrage de 240 pages paru chez Albin Michel. Le correspondant du journal Le Monde à la City de Londres cherche toujours à comprendre pourquoi il n’a pas vu venir de la crise financière. La réponse n’est pas glorieuse : « les journalistes financiers et les banquiers londoniens entretiennent des rapports complexes  » explique-t-il. Les premiers sont admis dans le marigot pourvu qu’ils ne cherchent pas à en percer les mystères, explique en substance l’auteur des Banksters. Il se pique tout de même d’avoir donné quelques coup de griffes à Goldman Sachs, JP Morgan ou Lazard, d’avoir poussé l’enquête jusqu’en Grèce ou dans les paradis fiscaux. Nous raconte comment il s’est fait séduire ou reconduire. « Ces seigneurs de l’argent bardés d’avocats et de communicants qui pratiquent la langue de bois, s’ils se hasardent parfois à dire ce qu’ils pensent, disent rarement ce qu’ils font » note-t-il.

Les journalistes financiers n’auraient pas joué pleinement leur rôle de contre-pouvoir médiatique aux dérives du pouvoir bancaire, même s’ils ont des circonstances atténuantes. Marc Roche chercherait-il la rédemption ? Son livre, s’il reste discret sur les banquiers français, critique vertement les banques anglo-saxonnes. C’est même une visite au musée des horreurs. Les experts seront peut-être déçus de ne pas y trouver de révélations sur les scandales qui ont secoué Wall Street et la City, mais celui qui n’a pas suivi au jour le jour les procès comprendront l’art des dirigeants bancaires à se défausser sur leurs traders. Ils découvriront en détail, sous la plume alerte de Marc Roche, qu’aux Etats-Unis, la justice n’est tout de même pas restée les bras croisés et qu’à Londres, les autorités enquêtent.

Des banksters toujours en liberté

Arnaque au trading haute fréquence, scandale du Libor ou de l’Euribor, procès de Fabrice Tourré, le trader français de Goldman Sachs, livré par son employeur en bouc émissaire à la justice américaine, explosion de la « baleine de Londres », un trader aux paris monstrueux tacitement couvert par ses supérieurs chez JP Morgan jusqu’à ce qu’ils le lâchent… toutes les turpitudes des « Banksters » anglo-saxons n’ont pourtant pas conduit à mettre les seigneurs de l’argent sous les verrous. Pourquoi ?  Parce que dans la Finance, « c’est le droit anglo-saxon qui s’applique, avec la présomption d’innocence. Les dirigeants d’entreprise ne pouvant pas tout contrôler, ne peuvent être jugés responsables des agissements de leurs collaborateurs. » avance l’auteur. S’ajoutent à cela, des magistrats incapables de démêler les fils des délits financiers, tellement les montages sont devenus complexes, et des systèmes judiciaires privilégiant le traitement de ces affaires par les tribunaux civils plutôt qu’au pénal. Résultat : la justice préfère regarnir les caisses des Etats en infligeant de grosses amendes plutôt que de mettre les banksters en prison.

L’espoir de voir les crises financières s’espacer reposerait maintenant sur la régulation bancaire, il faut avoir une foi infinie pour y croire.

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