Très apprécié des salariés qui y ont accès, le Plan d'épargne entreprise (PEE), est un placement mal connu du grand public qui devrait connaître un nouvel élan avec l'entrée en vigueur en 2016 de la Loi Macron (photo), favorisant aussi les Plans d'épargne retraite collectifs (Perco). (photo © GPouzin)

Très apprécié des salariés qui y ont accès, le Plan d’épargne entreprise (PEE), est un placement mal connu du grand public qui devrait connaître un nouvel élan avec l’entrée en vigueur en 2016 de la Loi Macron (photo), favorisant aussi les Plans d’épargne retraite collectifs (Perco). (photo © GPouzin)

Très développée dans les grandes entreprises (plus de 80% dans les groupes de plus de 1000 personnes) mais assez peu dans les PME (autour de 10% dans les sociétés de moins de 50 salariés), l’épargne salariale a fait l’objet d’une réforme majeure dans le cadre de la Loi Macron du 6 août 2015, entrée en vigueur depuis 2016. Qu’est-ce que l’épargne salariale ? Qui est concerné par la réforme ? Quels sont ses principaux atouts et faiblesses ? Deontofi.com répond.

Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 14/3/2016

1/ D’abord qu’est-ce que l’épargne salariale ? Combien de Français en ont ?

L’épargne salariale, comme son nom l’indique, désigne les systèmes d’épargne mis en place dans le cadre d’une entreprise pour ses salariés. Le produit le plus connu est le Plan d’épargne d’entreprise (PEE) avec sa déclinaison en Plan d’épargne inter-entreprise (PEI), identique mais accessible aux plus petites entreprises, puisqu’il peut être ouvert par tout employeur ayant au moins un salarié. On estime qu’environ 15% des Français possèdent un PEE (sondage Faider/OpinionWay). C’est assez important, surtout si l’on tient compte du fait que le PEE n’est proposé qu’aux salariés salariés du secteur marchand non agricole, sachant que seuls 42% de ces salariés ont accès à un PEE (selon la Dares, le service statistique du ministère de l’emploi).

Ensuite il y a le Plan d’épargne retraite collectif (Perco), créé plus tardivement à partir de 2003, sur lequel l’argent est en principe bloqué jusqu’à la retraite, un peu comme les fonds de pension individuels d’entreprise existant en Angleterre (Group personal pension plan GPP) ou aux Etats-Unis (plans 401(k), Individual retirement account IRA), souscrit par 6% des Français, selon un récent sondage. Au total, les montants investis dans ces placements restent cependant assez modestes, à un peu plus de 110 milliards d’euros (dont 100 milliards en PEE et 10 en Perco), selon l’Association française de gestion (AFG.asso.fr), à comparer aux 250 milliards du Livret A ou aux 1550 milliards d’euros de l’assurance vie.

2/ Quels sont les avantages de l’épargne salariale pour ceux qui y ont accès ?

Le plan d’épargne d’entreprise (PEE) est un dispositif très intéressant pour les salariés à plusieurs points de vue. Il faut d’abord rappeler qu’il a été créé en 1967 en même temps que la participation aux bénéfices obligatoire dans les entreprises de 50 salariés et plus. Le premier atout du PEE pour les salariés, est de pouvoir placer leur participation aux bénéfices avec un cadre fiscal avantageux. Avec la réforme, cela devient aussi la règle pour l’intéressement, qui depuis 2016 est versé automatiquement sur le PEE des salariés. Ces sommes versées par l’employeur bénéficient d’un triple avantage fiscal.

Premièrement, elles sont exonérées de charges patronales pour l’employeur. Même si cela ne profite pas directement aux salariés, ça leur profite indirectement, car c’est un argument décisif pour inciter les employeurs à favoriser l’intéressement, la participation ou d’autres versements pour le compte de leurs salariés.

Deuxièmement, les sommes versées par l’employeur sont exonéré d’impôt sur le revenu (IR) pour le salarié. Contrairement aux salaires et primes, les montants d’intéressement ou de participation versés sur un PEE ne sont pas soumis à l’IR.

Troisièmement, les gains réalisés sur le PEE, c’est-à-dire les intérêts perçus, les dividendes encaissés ou les plus-values réalisées, sont aussi exonérés d’impôt sur le revenu, comme dans un PEA, pour ne subir que les prélèvements sociaux de 15,5% en cas de retrait.

Les avantages sont assez comparables pour le Perco, avec quelques nuances puisque les épargnants ne sont pas censés pouvoir faire de retraits, mais seulement récupérer une rente lors de leur départ en retraite.

3/ Les salariés peuvent-ils aussi faire leurs propres versements sur un PEE ou Perco ?

Absolument, les PEE et Perco sont des plans d’épargne comme les autres sur ce point. On peut aussi faire des versements volontaires sur un PEE, et même bénéficier, dans certaines entreprises, d’un coup de pouce de l’employeur qui verse un complément d’épargne en cadeau, pour encourager ses salariés à épargner, appelé abondement, variable selon les cas.

Cet abondement, aussi exonéré d’impôt sur le revenu, peut aller jusqu’à trois fois le montant versé par le salarié, dans une limite de 3 089 euros par an, correspondant à 8% du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 38 616 euros pour le PASS 2016. En clair, si un salarié d’une entreprise généreuse verse 1000 euros sur son PEE, son employeur peut abonder cet effort en versant pour son compte un abondement de 3000 euros exonéré de charges patronales et d’impôt sur le revenu. Dans le cas du Perco, la générosité des employeurs est encore plus encouragée, puisque ce cadeau peut aller jusqu’à 6178 euros, soit 16% du PASS 2016.

4/ Financièrement, comment fonctionne le PEE ? Y a-t-il des contraintes ?

Quand l’Etat accorde un avantage fiscal, il y a généralement une contrepartie. Comme d’autres placements avantagés fiscalement, par exemple le Plan d’épargne en actions ou l’assurance vie, le PEE a d’abord une contrainte de durée. En principe l’argent de chaque versement est bloqué pendant cinq ans avant qu’on puisse le retirer. Mais il y a de nombreux cas permettant de récupérer son argent par anticipation sans pénalités, notamment en cas de mariage, divorce, achat d’une résidence principale, arrivée d’un troisième enfant, ou bien simplement en cas de départ de l’entreprise, quelles que soient les raisons et circonstances du départ.

Ensuite, il y a d’autres contraintes moins connues des épargnants. La première est que les possibilités d’investissement sont généralement limitées à une poignée de fonds communs de placements d’entreprise (FCPE). Or, ces fonds ne sont pas toujours très bien gérés et sont surtout souvent pénalisées par des frais encore plus élevés, par rapport aux Sicav et fonds d’investissements les plus compétitifs.

Un second inconvénient très pénalisant en cas de départ de l’entreprise, est qu’en plus des frais prélevés au sein des FCPE, les PEE subissent des frais forfaitaires annuels qui peuvent laminer l’épargne laissée sur un PEE après avoir quitté l’entreprise, car ces frais ne sont plus pris en charge par l’employeur. La médiatrice de l’AMF avait eu de nombreuses réclamations sur ce point et plusieurs lecteurs de Deontofi.com nous avaient aussi alertés. La meilleure solution est souvent de bien penser à vider son PEE quand on quitte une entreprise pour sauvegarder ses économies.

5/ Et le Perco, comment ça marche ? Quels sont ses atouts et failles par rapport au PEE ?

Sur de nombreux points, le Perco a des règles de fonctionnement comparables à celles du PEE. La grande différence à retenir, est que le Perco est vraiment prévu pour apporter un complément de retraite, et qu’en contrepartie il est impossible de récupérer son capital. La règle générale est qu’il faudra attendre d’avoir atteint l’âge légal de la retraite, qui est régulièrement repoussé, pour percevoir une rente viagère calculée en fonction de l’épargne acquise. La loi a permis diverses formes de versement en capital lors du départ en retraite, mais tous les Perco n’offrent pas cette possibilité, il faut donc bien regarder au cas par cas selon les Perco proposés.

Comme pour le PEE, il y a aussi quelques cas de déblocage anticipé permettant de récupérer l’épargne d’un Perco, mais beaucoup plus restreints. Ces cas exceptionnels sont notamment le décès ou l’invalidité du détenteur d’un Perco ou de son conjoint, le surendettement du salarié, l’achat de sa première résidence principale, ou sa remise en état à la suite d’une catastrophe naturelle, voire l’expiration des droits du salarié à l’assurance chômage.

6/ Qu’est-ce qui change avec la Loi Macron pour l’épargne salariale ?

Il y a plusieurs changements précisés par un décret du 9 décembre 2015. Comme l’explique l’Association française de gestion (AFG), que nous avons interrogée, on peut les mettre en regard des objectifs annoncés de la Loi Macron du 6 août 2015, qui visait une simplification et un élargissement de l’épargne salariale orientée vers un financement plus actif de l’économie. Pour les employeurs, la première incitation à développer l’épargne salariale concerne la réduction du forfait social, qui était passé de 8% à 20% en 2012, pour être de nouveau réduit à 8% depuis janvier 2016.

La seconde mesure phare, on en a parlé, c’est de prévoir le versement par défaut de l’intéressement sur un PEE, pour bénéficier automatiquement de son exonération d’impôt sur le revenu. Les salariés qui veulent dépenser tout de suite leur intéressement ont encore l’option de refuser ce versement sur le PEE, mais cet intéressement est alors taxé à l’impôt sur le revenu, et il ne donne pas droit à l’abondement versé par l’employeur quand celui-ci est prévu sur le PEE.

7/ Et pour le Perco, quels sont les changements apportés par la Loi Macron ?

Il y a aussi plusieurs mesures phares concernant le Perco. La première, et la plus ambiguë, concerne l’option par défaut pour la gestion pilotée en placements à long terme des versements sur un Perco. Jusqu’ici, les épargnants se montraient assez prudents en choisissant plutôt des placements sans risque sur des fonds monétaires, qui représentent environ un tiers des 10 milliards d’euros accumulés dans les Perco. Malheureusement, avec la baisse des taux de la BCE à zéro pour cent, ces fonds ne rapportent plus rien, ni aux épargnants, ni même aux banques qui ne peuvent plus prélever leurs frais de gestion en garantissant le capital comme c’était le cas précédemment. Il est vrai que dans une optique de retraite, il est plus rationnel de faire fructifier l’argent de son Perco avec des placements plus dynamiques, comme les actions qui distribuent des dividendes et se valorisent avec la croissance des bénéfices des entreprises.

L’option par défaut pour le pilotage automatique consiste à dire aux épargnants que les versements sur leur Perco seront investis d’office sur des placements à long terme, dont le niveau de risque sera progressivement réduit au fur et à mesure qu’ils approcheront de la retraite. Ce n’est pas aberrant. Le seul problème est qu’une fois encore, il y a beaucoup trop d’opacité sur les frais prélevés dans ces fonds qui pénalisent les épargnants, et pas assez de concurrence pour leur permettre de choisir des placements plus compétitifs.

On peut faire la même critique pour la création du Perco Plus, qui permet de bénéficier d’avantages supplémentaires en introduisant une part d’investissements en PME à hauteur de 7% de l’épargne (selon les mêmes critères que pour le PEA-PME). C’est bien en théorie. Mais en pratique, on ne peut pas faire confiance aux fonds de PME tant que les dérives et malversations observées sur Alternext ne seront pas mieux contrôlées et sanctionnées.

8/ D’autres réformes du Perco sont-elles plus favorables aux épargnants salariés ?

Oui, il y a deux mesures tout à fait intéressantes qui pourraient contribuer à améliorer la popularité du Perco. La plus simple, car elle est d’application automatique immédiate en 2016, c’est la possibilité de convertir jusqu’à dix jours de congés payés par an en épargne pour la retraite sur son Perco. Jusqu’ici, cette possibilité était réservée aux entreprises disposant d’un compte épargne temps (CET), et limitée à cinq jours par an.

Depuis cette année, si l’entreprise dispose d’un Perco, il sera possible de demander à l’employeur d’y verser l’équivalent en salaire de dix jours de congés payés, en vue de préparer sa retraite, même s’il n’y a pas de CET dans l’entreprise.

La seconde mesure pourrait favoriser le développement de l’épargne retraite d’entreprise à plus long terme, puisqu’elle autorise les employeurs à verser sur le Perco de leurs salariés jusqu’à 772 euros par an (2% du PASS 2016 = 772,32 euros), même sans aucun versement volontaire de ces salariés, à condition qu’il le fasse évidemment pour tous les salariés. Si Emmanuel Macron persévère dans cette voie, comme il l’a annoncé dans le cadre du prochain projet de Loi Sapin, cela pourrait favoriser l’émergence de fonds de pension d’entreprise à la française complétant l’éventail actuel des systèmes et produits de retraite.

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