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Rendez-vous très suivi par les professionnels et décideurs économiques et financier, les 23èmes rencontres parlementaires sur l’épargne, qui se tenaient mercredi 29 janvier à Paris, ont été l’occasion d’aborder de nombreux sujets cruciaux pour la déontologie financière, notamment lors d’une séance de questions à Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France.

Dominique Lefebvre et Eric Alauzet, députés membres de la commission des finances, écoutent les réponses du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, aux 23ème rencontres parlementaires de l'épargne (photo © GPouzin)

Dominique Lefebvre (à gauche) et Eric Alauzet (à droite), députés membres de la commission des finances, écoutent les réponses du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer (au centre), aux 23èmes rencontres parlementaires sur l’épargne (photo © GPouzin)

Après les débats de la matinée, sur lesquels nous reviendrons, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, était l’invité du déjeuner-débat animé par le député Charles-Amédée de Courson, dans le cadre de ces rencontres parlementaires. Christian Noyer a fait un discours sur les enjeux de l’épargne en France et du point de vue de l’institution, avant de répondre aux questions de l’assistance, composée de nombreux parlementaires et décideurs de la finance.

Parmi ces questions, celle de Dominique Lefebvre, député de la majorité co-auteur du rapport Berger-Lefebvre sur l’épargne financière (lire http://www.economie.gouv.fr/rapport-berger-lefebvre-sur-l-epargne-financiere) a donné lieu à une réponse contrastant avec le langage habituellement très feutré des banquiers centraux.

« Dans l’agenda parlementaire, nous avons discuté et voté à l’automne la loi de régulation bancaire », a rappelé en préambule Dominique Lefebvre en référence aux évolutions législatives de la réglementation bancaire française, portant notamment sur la séparation plus ou moins stricte des activités bancaires. « J’ai été alerté en début de semaine par des articles faisant état de propositions qui iraient bien au-delà de ce qu’on a fait, qui était déjà critiqué par certains comme allant trop loin. Même si j’apprécie qu’un progrès ne soit pas présenté comme un recul, que pensez-vous de ces propositions ? ».

Sur la forme, le gouverneur de la Banque de France a d’abord présenté une vision pragmatique de la régulation bancaire que l’on ne peut qu’approuver. « Le plus important est la qualité de la supervision, a rappelé Christian Noyer. Les banques doivent être capables de gérer leurs risques. Personne ne le conteste dans aucune législation ».

Une vision partagée par la ligne éditoriale de Deontofi.com : les problèmes de déontologie financière sont davantage liés au non-respect de règles existantes, à la faiblesse des contrôles et la quasi absence de sanctions, qu’à l’insuffisance des règles elles-mêmes, déjà très nombreuses.

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, répondait aux questions des députés lors des 23ème rencontres parlementaires sur l'épargne (photo © GPouzin).

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, répondait aux questions des députés lors des 23èmes rencontres parlementaires sur l’épargne (photo © GPouzin).

Le gouverneur de la Banque de France a illustré sa pensée par l’exemple. « C’est dans l’entité gérant les risques d’une banque américaine qu’il y a eu un scandale, a-t-il précisé. Le diable est dans le détail. La vraie façon de réduire les risques est la qualité de la supervision beaucoup plus que principes généraux », a-t-il insisté.

Sur ces principes généraux, Christian Noyer a néanmoins ses propres idées. « Je considère que ce qu’on a adopté est équilibré, et que c’était le plus que l’on pouvait faire », a-t-il poursuivi en référence à la loi de séparation des activités bancaires. « Nous avons réduit le proprietary trading [NDLR trading pour compte propre très spéculatif et risqué] dans des filiales complètement isolées, mais nous avons gardé dans les banques les activités de marchés liées à la distribution de crédit pour ne pas réduire la capacité des banques à financer l’économie et les entreprises ».

Déjà soulagés par ce message, les représentants du secteur bancaire ont été totalement rassurés par la conclusion encore plus claire du gouverneur. « Je considère que les idées de Michel Barnier [NDLR commissaire européen en charge du marché intérieur et des services financiers] sont irresponsables et contraires aux intérêts de l’économie européenne, a déclaré Christian Noyer. J’espère que ce projet sera enterré ou qu’il ne connaîtra aucune suite ».

Décryptage.

Le tonnerre d’applaudissements qui a couronné cette intervention reflétait probablement la satisfaction des décideurs financiers d’être entendus et bien défendus par leur institution de supervision. Il est vrai aussi qu’on entend très rarement un banquier central exprimer son opinion aussi clairement, leur discours étant généralement extrêmement nuancés pour éviter toute interprétation simpliste par les marchés financiers. Christian Noyer maîtrise parfaitement ce langage et ne s’est sûrement pas « laissé aller » à un commentaire qui lui aurait « échappé ». Un observateur de la scène confiait qu’il ne s’aventurait sûrement pas seul dans cette opposition frontale avec la Commission européenne, ou au moins un de ses membres influents. Selon l’œil expert de ce parlementaire le gouverneur aurait « la France, l’Allemagne et la BCE derrière lui pour contrer ce projet »La construction européenne, l’union bancaire et la bonne supervision ne semblent décidément pas faciles à conjuguer au pluriel.

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Un commentaire

  1. Iobissime, le

    L’application de principes de Conformité ou de déontologie est très clairement la seule solution pour produire un système bancaire et financier sain, équilibré et respectueux de l’économie comme de ses clients.

    « Faiblesse des contrôles et quasi absences de sanctions » : oui !

    Il y a une raison simple à cela, elle n’est guère rappelée : il y a une très grande proximité entre ceux qui dirigent les entités financières et ceux qui les contrôlent. La mise en examen en cours, d’un dirigeant de banque, quelle que soit son issue, souligne cette dimension de la question.

    Les fonctionnaires des « grands corps d’Etat », qui jouissent de l’emploi à vie, dont la plus grande punition en cas de faute, consiste à rédiger des rapports, qui verrouillent solidement l’accès aux postes de direction financière, devraient obligatoirement s’engager à ne jamais travailler dans le secteur privé, a minima, bancaire et financier.

    Superviseur ou opérationnel : il faut choisir et n’exercer qu’une seule fonction.

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