Hedios Patrimoine, chasseur d’opportunités financières? Demandez à ses clients plumés par l’arnaque DomTomDéfisc ayant écopé en plus d’un redressement fiscal. (photo © GPouzin)

Ma-Ni-Faïk ! Comme disent les branchés. Le catalogue est magnifique ! Design à la fois sobre et luxueux. Sur un fond blanc épuré, se dessine une aquarelle d’arbre, avec son tronc élancé et son feuillage dense aux nuances de vert, du plus délavé au très foncé. La texture même du catalogue en fait un bel objet, avec sa couverture en carton mate, soyeux comme une caresse, sur laquelle l’arbre se détache subtilement, comme en relief, mis en valeur par le vernis sélectif sur pelliculage mat. En inclinant le catalogue, il renvoie les reflets d’une lumière oblique. A l’intérieur, 100 pages d’argumentaires commerciaux pour vendre des placements à promesses, là encore richement illustrées, comme avec cette aquarelle de rhinocéros (p.29) mais aussi plein d’autres petites illustrations distrayantes pour égayer ses lecteurs. Félicitations à la direction artistique et aux équipes de communication. Pour le sous-jacent, c’est moins sûr.

En haut de la couverture, Hedios en titre, « gestion privée » en sous-titre. Passons sur le laïus introductif aux promesses des fonds vendus à l’intérieur : « un objectif de 8% », et quatre lignes de mise en garde sur les frais et pertes non moins certaines de ces placements aux revers délicats.

En bas, la « baseline », le slogan de la maque : « Chasseur d’opportunités financières ».

Mais de quelles opportunités financières parle-t-on ? Qui sont les chasseurs et que chassent-ils vraiment ?

Pendant que ce magnifique catalogue déboulait dans les boîtes aux lettres des clients et prospects de la société Hedios, on découvrait avec effarement l’étendue de son rôle dans l’escroquerie aux panneaux solaires DomTomDéfisc.

Très peu de médias en parlent, mais Deontofi.com avait déjà raconté le double-jeu assez trouble d’Hedios et de son fondateur dans l’escroquerie DomTomDéfisc. Pendant que nos confrères se bousculaient aux procès de personnalités impliqués dans des scandales de financement politiques, Deontofi.com était le seul média à fréquenter les audiences de ce procès passionnant, dont nous avons retranscrit une bonne partie des débats et des plaidoiries.

Il existe bien une mince frontière entre la naïveté, l’incompétence et la rouerie, comme on peut le constater en lisant l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 mai 2018 contre les coupables de l’escroquerie DomTomDéfisc.

Jusqu’à la tenue du procès pénal contre les escrocs ayant monté la funeste arnaque aux panneaux solaires bidon, baptisée Dom-Tom Défiscalisation, on finissait presque par douter du discernement de la Justice dans cette affaire. Alors que l’association de conseillers en investissements financiers agréés CNCGP (Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine, ex-Chambre des indépendants du patrimoine -CIP-) avait courageusement exclu Hedios de ses rangs pour avoir poursuivi la vente de l’arnaque DTD à ses clients après la mise en garde officielle de la CNCGP, en décembre 2009, Hedios et son président, Julien Vautel, étaient parvenus à faire condamner l’ex-CIP à 2,3 millions d’euros de dommages et intérêts pour sanction disproportionnée et abusive, par un arrêt de la Cour d’appel du 24 mai 2016. Cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation, mais son examen par la Cour de cassation a été jusqu’ici reporté.

Il est vrai que Julien Vautel avait réussi à faire condamner son exclusion, alors jugée « disproportionnée », par quelques habiles mensonges aux magistrats. Le dirigeant d’Hedios avait en effet plaidé qu’il ignorait tout de cette escroquerie et qu’il s’était strictement conformé à l’injonction de son association professionnelle, affirmant sans sourciller qu’il avait immédiatement cessé toute vente de l’arnaque DTD à ses clients, dès l’alerte de la CIP du 8 décembre 2009. [Cour d’Appel de Paris, arrêt du 25 mars 2014 Pôle 5 – Chambre 5-7 RG n° 2013/02396].

Or c’est faux. M. Vautel avait embrouillé la cour, comme Maître Hélène Féron-Poloni l’avait prouvé en explorant les milliers de pièces à conviction du dossier pénal, parmi lesquelles elle avait découvert que bien loin de sa prudence revendiquée, Hedios avait continué à encaisser des chèques de ses clients à qui elle vendait cette arnaque bien au-delà du 8 décembre 2009. Maître Hélène Féron-Poloni avait exposé ces faits lors de sa plaidoirie au procès pénal de première instance des escrocs, dont Deontofi.com avait publié le compte-rendu ici : Hedios vendait l’arnaque Dom Tom Défisc après la révélation de l’escroquerie.

L’arrêt d’appel du 7 mai 2018 revient sur ce point : « La cour constate à la lecture du mail produit par M. Jacob que M. Esnault avait lui-même informé le plus gros commercialisateur du produit DTD, M. Vautel de la société Hedios Patrimoine, de ce qu’il s’agissait d’une escroquerie » (Pièce n°1 produite par S. Jacob – Mail de Julien Vautel à M. Sword du 7 décembre 2009 intitulé « Signaux d’alertes de toute part » : « En résumé il ne nous dit rien… sauf qu’il se sent bien soulagé d’être loin de tout ça… c’est-à-dire de ce qu’il présente comme une escroquerie. »), détaille la Cour d’appel dans son arrêt du 7 mai 2018, p.197.

En toute logique, la Cour d’appel examine d’un autre œil le rôle d’Hedios. Alors que M. Vautel se présentait comme une victime ayant perdu ses économies dans l’arnaque DTD, les juges considèrent que cette arnaque a au contraire enrichi sa société Hedios :
« Considérant que la société Hedios Patrimoine a été le plus gros commercialisateur du produit DTD à hauteur de 5.559.286 euros collectés en 2008 et de 7.189.933 euros en 2009 ; que le responsable de cette société n’a pas eu de regard critique sur les éléments communiqués par la société DTD se contentant d’une note de couverture juridique établie en Guadeloupe par un avocat fiscaliste sur les seuls éléments remis par DTD ; que la fraude était néanmoins décelable par ceux qui ont fait des constats aux Antilles ; que M. Vautel président directeur général de la société Hedios Patrimoine, conseiller en gestion expérimenté qui n’avais pas vu de véritables réalisations de DTD bien qu’alerté a, nourrissant des craintes l’ayant conduit à faire des demandes de garanties et des déplacements sur les lieux, malgré le constat de la seule présence de stocks et non d’installations en phase de raccordement et d’une incohérence manifeste entre le nombre de panneaux en stocks et l’absence de raccordement, continué à commercialiser ce produit de défiscalisation, qu’il n’est pas démontré que Julien Vautel qui s’est enrichi par les commissions par lui perçues sur cette activité ait souffert d’un quelconque préjudice moral » (p.216).

Que signifie Hedios ?
Vous ne savez pas ?
Nous non plus. (p.43 du catalogue)

Près de 1000 clients d’Hedios volés par Dom Tom Défisc

Au final, la société Hedios aurait fait souscrire le produit litigieux à 982 de ses clients, pour un montant total de 13 825 708 euros, au cours des années 2008, 2009 et 2010, énonçait que certains d’entre eux avaient souscrit cet investissement en décembre 2009 (trois clients cités) et d’autres au cours de l’année 2010 (quatre clients cités), rappelle l’arrêt de la Cour d’appel du 25 mars 2014 (p.9), même s’il y a débat sur le détail et les circonstances des paiements à DTD après l’alerte de l’association professionnelle.

Certes, Hedios n’a pas été le seul intermédiaire à planter ses clients en leur refourguant l’arnaque aux panneaux solaires bidons de DomTomDéfisc.

Parmi d’autres marchands de placements ayant collecté l’argent des pigeons pour l’engloutir dans l’escroquerie DTD, la Cour d’appel pointe encore « un paiement de 200.000 euros au titre de « management fees » qu’il aurait prêté à M. Lahiougue, conseiller en gestion de patrimoine pour DTD qui travaillait pour Vendôme ». Malgré l’erreur matérielle, on comprend que ces produits ont aussi été vendus aux clients du cabinet de conseil en gestion de patrimoine Vendôme Finances, pour lequel travaillait M. Fabrice Lahougue.

Dans sa plaidoirie dénonçant son exclusion de la Chambre des indépendants du patrimoine (CIP devenue CNCGP, Chambre nationale des conseillers en gestion de patrimoine), Hedios criait à l’injustice au motif « qu’aucun des 250 autres conseils en gestion de patrimoine indépendant ayant diffusé l’offre de DTD n’a été sanctionné ».

La gravité de la responsabilité d’Hedios dans la diffusion de l’arnaque DomTomDéfisc résulte d’une conjonction de trois facteurs. Premièrement Hedios était le plus gros vendeur collectant l’argent de ses clients pour les escrocs de DTD, et donc celui dont le défaut de vigilance a causé les plus graves préjudices aux épargnants. Deuxièmement, en tant que premier distributeur de DTD, le plus en contact avec Jack Sword et son équipe, dont le super-vendeur Eric Esnault, Hedios était aussi en position d’être le mieux informé de la réalité (ou plutôt de l’absence de réalité) de l’entreprise DTD. Troisièmement, il est établi qu’au delà de son déni, le PDG d’Hedios, Julien Vautel, avait effectivement eu plusieurs occasions concrètes d’entendre et de voir que DTD n’était que du vent, et qu’il a préféré fermer les yeux et les oreilles, plutôt que de se priver des juteuses commissions qu’il en tirait.

Chasseur d’opportunités financière ? Peut-être, mais pas pour ses clients, au moins dans le cas de DomTomDéfisc et d’autres montages de défiscalisation ne leur ayant causé que ruines et larmes (sur lesquels Deontofi.com reviendra au fur et à mesure de leur examen par la justice). Quant aux « opportunités financières » des placements à promesses vantés dans son luxueux catalogue, elles n’engagent que ceux qui les croient. Mais c’est une autre histoire.

En attendant, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 mai 2018 dans le volet pénal de l’arnaque DomTomDéfisc, conjugué avec d’autres décisions des tribunaux civils, ouvre la voie à une meilleure indemnisation des épargnants.

Lire la suite: 5- Espoirs d’indemnisation en vue pour les victimes de l’arnaque DomTomDéfisc
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