En décryptant cette arnaque, la médiatrice de l’AMF lève le voile sur un autre visage des escroqueries par Internet (photo © GPouzin)

Complices du recel d’escroquerie auquel ils se livrent en diffusant les campagnes de promotion de nombreuses arnaques, les médias sociaux et autres géants du web ont favorisé depuis quelques années l’émergence du « copy trading » et autres méthodes de « trading social », qui sont de nouveaux faux-nez de l’industrie des escroqueries en ligne.

Deontofi.com reproduit ci-dessous les explications et révélations édifiantes publiées cette année par la médiatrice de l’Autorité des marchés financiers dans ce domaine.

LE LITIGE DE MASSE CONCERNANT LE MÊME PROFESSIONNEL : LAURENT CHENOT

La Médiation a été saisie par une soixantaine d’épargnants victimes d’un professionnel jouissant d’une petite notoriété, grâce à son site internet, ses vidéos en ligne et quelques apparitions télévisées (p.41).

Il laissait penser qu’il était un expert de la finance et qu’il détenait les secrets permettant à n’importe qui de devenir riche rapidement, facilement et sans risque, grâce aux formations qu’il dispensait.

Les 60 saisines reçues par la Médiation ayant été déclarées irrecevables, car susceptibles de constituer une infraction pénale, le médiateur a transmis ces dossiers à la Direction des affaires juridiques de l’AMF, ainsi qu’au service en charge, à l’AMF, de la veille sur les publicités émises par les acteurs financiers. Après analyse des éléments transmis, l’AMF a décidé de publier un communiqué de mise en garde contre cet acteur et ses offres frauduleuses de placement.

Ainsi que l’a rappelé l’AMF dans une alerte sur son site en date du 18 novembre 2020, « les activités exercées par Laurent Chenot et son équipe relèveraient des services d’investissement de gestion de portefeuille pour compte de tiers et/ou du conseil en investissement financier pour lesquels ni Laurent Chenot ni son équipe, pas plus que ses sociétés Legendary Learning ou Tradinvest, ne disposent des autorisations réglementaires. De plus, les courtiers extra-européens que Laurent Chenot présente aux particuliers ne sont pas non plus habilités à fournir des investissements en France. Or la fourniture de ces investissements nécessite obligatoirement une autorisation de l’AMF en application du code monétaire et financier… »

Le médiateur a estimé qu’il pouvait être utile de donner de plus amples détails sur le procédé utilisé pour ce litige de masse.

1. Les épargnants ont reçu un courriel publicitaire à l’automne 2019 les invitant à assister à une webconférence prétendant leur faire notamment découvrir : « Le scandale honteux des élites financières qui se gavent d’argent facile, rapide et gratuit […] » ou encore « La meilleure façon de toucher 133 % du Livret A chaque année […] ». Cette méthode, présentée comme étant « 100 % régulée », consistait à souscrire à des « livrets » (livrets alpha, alpha performance et Dollar King) afin de prétendument « doubler [son] argent chaque année de façon 100 % passive » grâce au trading de produits financiers spéculatifs. Présentés dans les conditions générales des contrats signés par ses clients, comme étant de simples outils de formation, ces livrets sont susceptibles d’être, au regard des documents reçus, un système de copy-trading (voir encadré).

2. Dans un second temps, les épargnants étaient invités ouvrir un compte de trading auprès de courtiers recommandés par l’organisation (souvent situés hors de l’EEE) pour lesquels elle agissait comme apporteur d’affaires. Puis, ils devaient suivre les instructions pour connecter leurs comptes à des « signaux de trading » (moyennant un abonnement mensuel).

3. Une fois connectés à ces signaux, les comptes de trading des épargnants reproduisaient automatiquement les trades effectués par le trader soi-disant expert.

4. Durant les premiers mois, tout semblait bien se dérouler, les épargnants étaient incités à effectuer des vidéos de témoignages positifs. On les invitait également à « ne pas garder le nez sur les opérations du quotidien puisque le quotidien, c’était le travail du trader ».

5. Puis, début juillet 2020, les livrets ont connu des pertes de capital importantes qui semblaient dues à l’exécution de la stratégie du trader. Toutefois, l’organisation faisait miroiter aux épargnants l’opportunité de compenser leurs pertes grâce aux signaux, non plus d’un trader humain mais d’un robot Dollar King. Rassurés, la plupart des épargnants ont investi le reste de leurs économies en espérant compenser les pertes et au-delà.

6. Puis, début août 2020, l’organisation indiqua que la stratégie mise en place via Dollar King avait également échoué.

7. Les épargnants, pour la plupart, ont perdu l’intégralité des sommes investies.

(extraits du rapport annuel 2020 de la médiation de l’AMF p.41)

Pan dans l’e-Toro !

Depuis des années, Deontofi.com s’offusquait de la prolifération de publicités pour des services de « trading social » à la moralité trompeuse et la légalité douteuse. Dans son rapport annuel 2020, la médiatrice de l’Autorité des marchés financiers met les points sur les i.

Oui, la promotion d’outils de « social trading » consistant à inciter des épargnants néophytes à investir en « copiant » les opérations de « traders » prétendument doués, est bien illicite.

LE COPY TRADING

La présentation de cette technique est très attractive, car ce système ne requiert ni connaissances, ni expérience, ni même aucun effort puisqu’une fois le système de copie activé, chaque trade effectué par le trader, ou le robot, (sur le compte « maître ») est automatiquement copié et dupliqué sur le compte de l’épargnant (compte « esclave »).

Si cette pratique n’est pas interdite, elle est en revanche réglementée. Les sociétés qui proposent les services de copy trading doivent être autorisées à fournir le service de « gestion de portefeuille pour le compte de tiers ».

En 2012, l’ESMA a en effet précisé sa position sur les signaux de trading à travers une Q&A (ESMA/2012/382). Ainsi, d’après l’ESMA, lorsque le prestataire de services agit de façon discrétionnaire en exécutant automatiquement les signaux de trading, cette prestation est assimilable à de la gestion de portefeuille pour le compte de tiers (c’est ce que l’on appelle le « copy trading »).

Au contraire, lorsqu’aucun ordre n’est exécuté automatiquement et qu’une action du client est requise avant que la transaction soit exécutée, ce service ne constituera pas un service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers (c’est ce qui est communément appelé le « social trading »).

Dans ce sens, en 2013, l’AMF et l’ACPR avaient publié un rappel à la réglementation relative aux plateformes internet d’aide à la décision qui précisait que la fourniture de signaux, selon les différentes manières dont elle était proposée, pouvait constituer un service d’investissement, en particulier une activité de gestion de portefeuille pour compte de tiers ou un conseil en investissement. »

(Extraits du rapport annuel 2020 de la médiation de l’AMF p.42)

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