Et si vous tiriez plus d'une vraie relation bancaire ? (photo © GPouzin)

Et si vous tiriez plus d’une vraie relation bancaire ? Mais (photo © GPouzin)

Bien qu’ils râlent souvent contre leur banque, très peu de clients en changent. La France serait même à la traîne en matière de mobilité bancaire par rapport à d’autres pays européens, malgré la multiplication d’annonces depuis des années pour les aider à changer de banque. Le nouveau dispositif prévu pour février 2017 permettra-t-il enfin de changer de banque sans souci ? Déontofi répond.

1/ Les Français changent-ils souvent de banque ?

Non, les Français ne changent quasiment jamais de banque. On évoquait pendant longtemps le chiffre de 4%, ce qui indiquerait que les Français changeraient de banque environ tous les vingt-cinq ans. Et puis on a vu fleurir des chiffres deux fois plus élevés dans certaines études. On a même cité un sondage sur Deontofi selon lequel 7% des Français déclaraient avoir changé de banque. Mais en lisant le rapport sur la « Portabilité du compte bancaire » réalisé par Inès Mercereau, magistrate à la Cour des comptes et ex-PDG d’une banque en ligne, à qui Michel Sapin avait demandé d’étudier cette question il y a deux ans, on comprend qu’on n’a pas de chiffres très fiables sur ce sujet. Selon ce rapport, environ 3,5 millions de personnes fermeraient un compte pour changer de banque chaque année, soit un taux de mobilité toujours de l’ordre de 4,5%, confirmé par la Fédération bancaire française.

2/ Pourquoi les clients changent-ils si peu de banque en France ?

Là encore, il y a une multitude de raisons très variées. D’abord il y a les habitudes, la proximité géographique, la banque de la famille, celle où les enfants ouvrent un compte parce que leurs parents s’en portent garants. Entre 15 et 20% des Français se déclarent mécontents de leur banque et veulent en changer. Mais beaucoup de gens mécontents de leur banque pensent aussi, pas totalement à tort, qu’ils n’auront pas forcément de meilleurs services à un tarif moins cher ailleurs, sauf à aller dans une banque en ligne. Or, beaucoup de gens sont encore réfractaires à cette démarche, avec un attachement à leur agence. Enfin, changer de banque est compliqué. D’abord parce qu’il faut en choisir une nouvelle, mais surtout parce que les gens ont souvent de multiples produits dans leur banque, ce qui complique les démarches pour en changer.

Comme le souligne Mme Mercereau dans son rapport : « Le multi-équipement en produits bancaires, tels que le crédit (personnel ou immobilier), l’assurance-vie et les comptes d’épargne règlementée, favorise la sédentarité du client et de son compte courant bancaire qui sert de pivot aux opérations de prélèvement et de virement ».

3/ Y a-t-il des dispositifs pour aider les clients à changer de banque ?

Oui, depuis le 1er novembre 2009, c’est–dire depuis maintenant sept ans, toutes les banques françaises ont l’obligation de proposer à leurs clients un service d’aide à la mobilité bancaire (norme professionnelle FBF) : les personnes souhaitant transférer leur(s) compte(s) dans une autre banque doivent bénéficier de ce service gratuit qui prend en charge le transfert des opérations (virements, prélèvements…) et s’occupe de prévenir les organismes concernés. Cette norme professionnelle est devenue en 2014 une obligation légale en vertu de l’article L312-1-7 du Code monétaire et financier créé par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 – art. 53 (V), dite loi Hamon, en vertu duquel : « La clôture de tout compte de dépôt (ou compte sur livret) est gratuite. Les établissements de crédit mettent à la disposition de leurs clients, gratuitement et sans condition, une documentation relative à la mobilité bancaire.

L’établissement d’arrivée, qui ouvre le nouveau compte de dépôt dans le cadre du changement de domiciliation bancaire, propose au client, gratuitement et sans condition, un service d’aide à la mobilité bancaire. Si le client souhaite bénéficier de ce service, l’établissement d’arrivée recueille son accord formel pour effectuer en son nom les formalités liées au changement de compte afin que les virements et prélèvements réguliers se présentent sur le nouveau compte.

L’établissement de départ, teneur du compte de dépôt que le client souhaite clôturer, propose sans frais ni pénalités, dans les cinq jours ouvrés qui suivent la demande de clôture du compte, un récapitulatif des opérations automatiques et récurrentes ayant transité sur ce compte au cours des treize derniers mois.

L’établissement d’arrivée communique, dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de l’ouverture d’un nouveau compte, les coordonnées du nouveau compte bancaire aux émetteurs de prélèvements et de virements réguliers, sur la base des informations fournies par le client.

Les émetteurs de prélèvements disposent d’un délai pour prendre en compte ces modifications et informer le client.

L’établissement de départ informe également le client de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés au changement de domiciliation bancaire.

En cas de présentation d’un chèque au paiement au cours des treize mois suivant la clôture du compte, l’établissement de crédit de départ informe par tout moyen approprié l’ancien titulaire du compte qu’il a l’obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles l’ancien titulaire du compte peut régulariser sa situation. »

4/ Est-ce que cette aide au changement de compte fonctionne ?

Malheureusement cela ne fonctionne pas très bien, comme on l’apprend dans le rapport d’Inès Mercereau. Elle explique qu’une enquête approfondie de l’ACPR et de la DGCCRF menée en 2011 sur ce service d’aide à la mobilité bancaire avait montré ses limites, ce qui confirme les témoignages de lecteurs à ce sujet sur Deontofi.com.

Changer de compte bancaire c'est la galère, car des fournisseurs refusent l'intervention des banques, comme Free Mobile.

Changer de compte bancaire c’est la galère, car des fournisseurs refusent l’intervention des banques censées effectuer ces formalités pour vous, comme l’opérateur téléphonique Free Mobile.

En pratique, de nombreuses banques ont sous-traité ce service à une société externe, Isilis, qui a effectué 3 millions de changements de domiciliation bancaire (y compris changements de masse) en 2013 (après 2 millions en 2010) pour 65 banques françaises (58 en 2010). Pour chaque changement de compte, Isilis devait intervenir en moyenne auprès de 7 organismes émetteurs de prélèvements ou de virements pour qu’ils prennent en compte les changements de domiciliation de leurs clients, ce qui lui donnait une « légitimité auprès des grands organismes publics (Trésor Public, CPAM…) et privés (EDF, Orange, Véolia…) » et lui permettait de « s’impose(r) comme le principal tiers de confiance de la profession ».

Malheureusement, même avec ce traitement industriel et centralité, les résultats sont parfois décevants, comme le souligne le rapport d’Inès Mercereau, car « Le client doit donc attendre de constater qu’il est prélevé ou crédité sur son nouveau compte bancaire avant de clôturer ou de ne plus alimenter son ancien compte ». Le client doit très souvent relancer directement lui-même le créancier, ou s’enquérir auprès de sa nouvelle banque. En outre, on ne parle là que des virements et prélèvements, mais pas des chèques envoyés dans la nature dont le client doit vérifier ou attendre qu’ils soient encaissés un par un avant de fermer son ancien compte. Résultat, le service de changement de domiciliation bancaire ne concernerait au maximum que 20% des ouvertures de compte.

5/ On pourra bientôt faire changer ses virements ou prélèvements plus facilement ?

Oui, c’est effectivement la promesse issue des dispositions prévues dans la Loi Hamon, citée précédemment, qui doivent être mise en œuvre à partir du 6 février 2017 dans le cadre d’un décret d’application de la Loi Macron, du 29 janvier 2016, modifiant l’article R312-4-4 du Code monétaire et financier. Vu de l’extérieur, et de loin, la modernisation du dispositif de mobilité bancaire devrait soulager les candidats au changement de banque, puisqu’ils n’auraient cette fois-ci vraiment plus à se préoccuper du suivi de leurs virements et prélèvements qui se feraient automatiquement dès lors qu’ils demanderaient à bénéficier de ce service de portabilité bancaire entre leur ancienne banque et la nouvelle.

6/ Alors on pourra enfin changer de banque sans soucis ?

Là, il faut encore pas mal d’optimisme pour y croire, car c’est loin d’être gagné. Premièrement, il faut rappeler que ce dispositif ne concerne que les comptes courants, donc il n’y a toujours aucune promesse d’aide au changement de banque sans frais pour tout ce qui concerne les autres comptes comme les livrets, les placements, les contrats d’assurance vie, etc. Deuxièmement, même la portabilité du compte courant sera un vrai casse-tête avec des risques d’exceptions et d’enjeux de sécurité qui ne règleront pas tout. La question des chèques, par ailleurs, n’est pas totalement réglée.

Enfin, quand on lit le rapport d’Inès Mercereau sur la mobilité bancaire, on comprend qu’il y a des enjeux techniques et de sécurité énormes derrière le dispositif de transfert des virements et des prélèvements. Comme l’explique le rapport « En pratique, pour bénéficier de ce service, les clients particuliers des banques partenaires devraient d’abord y adhérer en fournissant leurs coordonnées bancaires. De leur côté, les entreprises intéressées devraient aussi adhérer à SEPAmail via leur banque, afin que celle-ci puisse ensuite adresser à la banque du débiteur une demande de règlement. Les clients particuliers pourraient alors se connecter à leur compte bancaire par internet et accepter le paiement ».

Faciliter le changement de banque, c’est très bien. Mais derrière ce projet, il y a toute une ouverture à la concurrence des services d’intermédiaires de paiement qui pose de vrais défis quand on voit les fraudes aux moyens de paiement que permet la technologie, avec les détournements de codes d’authentification par SMS, voire avec des systèmes frauduleux, comme dans les arnaques au trading avec l’implication de la société de paiement Worldpay. On a vu dans la presse que les opérateurs téléphoniques comme Orange fondent beaucoup d’espoir sur cette nouvelle étape pour pousser leurs propres services de paiement, mais il faudra aussi assumer la responsabilité qui va avec, de rembourser les clients en cas de fraude.

Cinq minutes pour comprendre : retrouvez ici l’interview vidéo de Gilles Pouzin dans l’émission Ecorama sur Boursorama TV le 10/10/2016

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