Opacité des contrats, pratiques fumeuses voire trompeuses, les assurances complémentaires santé ne brillent pas par leur simplicité et transparence. La Commission des clauses abusives (CCA) épingle les clauses illicites de ces contrats et publie 38 recommandations pour les améliorer (photo © GPouzin)

Choisir une assurance complémentaire santé est un véritable casse-tête, tant il est difficile de comparer les prestations et les tarifs. Entre les tarifs à géométrie variable, selon l’âge et la composition de la famille, les options de couverture, ce qui est pris en charge et ce qui ne l’est pas, et le niveau de remboursement, il faut jongler avec de nombreux paramètres pour déterminer l’assurance la mieux adaptée. L’accord national interprofessionnel de 2013 sur la santé pour tous a en partie simplifié et en partie empiré cette situation, car beaucoup d’assurés n’ont simplement plus le choix de leur contrat : depuis l’adoption de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, l’adhésion au contrat collectif est obligatoire dans le cadre de leur entreprise.

L’occasion pour la Commission des clauses abusives (CCA) de se pencher sur ces contrats. Ce qu’elle vient de faire en rendant sa « Recommandation N°17-01 » sur les « Contrats d’assurance complémentaire santé », publiée le 19 février 2018.

Qu’est-ce qu’une clause abusive ?

Comme le rappelle la CCA en préambule de sa recommandation, c’est « l’article L. 212-1 du code de la consommation, qui dispose que la protection contre les clauses abusives s’applique aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs, doit être interprété à la lumière de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, selon lequel : « une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle créée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

La CCA précise ensuite que ce n’est pas parce qu’une assurance complémentaire santé est souscrite par un employeur pour le compte de ses salariés que ces derniers n’ont pas leur mot à dire. Ce qu’elle explique avec ses mots: il convient encore de rappeler que l’adhésion au contrat d’assurance de groupe, bien que conséquence d’une stipulation pour autrui, n’en crée pas moins, entre l’adhérent et l’assureur, qui l’agrée, un lien contractuel direct, de nature synallagmatique, dont les stipulations relèvent, comme telles, des dispositions de l’article L. 212-1 du code de la consommation (Cass. Civ. 1ère, 22 mai 2008, n°05-21.822)

Un maquis de documentation et des obligations d’information mal respectées

La CCA pointe ensuite le maquis de la documentation contractuelle concernant les assurances complémentaires santé, en précisant que « les documents définissant les droits et les obligations des personnes assurées varient, dans la forme, en fonction de l’organisme de protection complémentaire, en général : pour une mutuelle : les statuts et règlements ; pour une institution de prévoyance : le règlement ou le contrat ; pour une société d’assurance : le contrat ou la police ».

« Outre les documents définissant les droits et obligations des personnes assurées », la CCA rappelle que les professionnels ont l’obligation de remettre au consommateur « des notices d’information qui définissent les garanties et leurs modalités d’entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de réalisation du risque ».

Problème, la CCA relève ensuite une liste de clauses abusives « de nature à créer un déséquilibre significatif dans les relations entre professionnels et consommateurs au détriment de ceux-ci » qui sont « soit des clauses propres à chacun des organismes de protection complémentaire, soit des clauses communes à l’ensemble d’entre eux ».

Autrement dit, la CCA trouve un paquet de clauses abusives dans les assurances complémentaires santé, dont certaines seraient généralisées.

Pour en donner un aperçu, Deontofi.com liste ci-dessous le plan, non détaillé, des récriminations de la CCA:

  • I – Contrats régis par le code de la mutualité
  • A – Clauses relatives à l’information des consommateurs
  • B – Clauses relatives à la démission, radiation et exclusion
  • C – Clauses relatives à la révision des cotisations
  • II – Contrats régis par le code de la mutualité, le code des assurances et le code de la sécurité sociale
  • A – Clauses relatives aux modalités d’adhésion en cas de vente à distance 
  • a) Sur l’absence de remise des conditions contractuelles par écrit ou sur un autre support durable
  • b) Sur la date d’adhésion 
  • c) Clauses relatives à la définition et aux exclusions de garanties
  • d) Clause relative aux tableaux de remboursement
  • e) Clauses relatives aux délais de carence ou délai d’attente
  • f) Clauses relatives à la déchéance des garanties lors de la déclaration du sinistre par l’assuré
  • g) Clauses laissant croire à une réduction du délai légal de prescription
  • h) Clause relative à la transmission de pièces justificatives au regard du secret médical
  • d) Clause relative aux tableaux de remboursement
  • i) Clauses relatives aux modalités de paiement
  • j) Clauses relatives au paiement des frais
  • k) Clause relative à la télétransmission
  • l) Clauses relatives à l’expertise médicale
  • m) Clause relative à la collecte des données informatiques
  • n) Clauses relatives à la résiliation
  • o) Clauses relatives au traitement des litiges

Le reproche fait à cette dernière clause relative au traitement des litiges est qu’elle « laisse croire que le recours au juge est soumis à un préalable de médiation ; qu’elle est donc illicite et, maintenue dans les contrats, abusive ». Sujet à surveiller tant les entreprises multiplient les ruses pour canaliser les réclamations vers des systèmes d’arbitrage et de justice privée privant les consommateurs de leurs droits.

Bref, presque tout l’alphabet y passe. Chacun de ces chapitres mériterait d’être commenté en détail, car on y découvre des pratiques et des clauses vraiment gratinées, même si elles ne concernent parfois heureusement que des situations rares ou litigieuses.

Pour des raisons d’efficacité, attardons-nous seulement un instant sur les biais d’information, voire de tromperie, auxquels sont souvent confrontés les consommateurs en lisant les tableaux de garantie, ces fameuses grilles de remboursement qui vous expliquent que vous serez remboursé à 100%, voire même 150% ou 200% ! Mais 200% de quoi ?

C’est la question à laquelle répond la CCA, avec beaucoup de pédagogie, en épinglant les tableaux de remboursement fumeux de certaines assurances complémentaires santé :

  • d) Clause relative aux tableaux de remboursement

17°) Considérant qu’une clause stipule que le remboursement du régime obligatoire et de la mutuelle s’effectue de la façon suivante :

« HONORAIRES MEDICAUX – CONVENTIONNE

Consultation, visites : médecin traitant ou généraliste : M1 100% M2 100% M3 125% M4 150% M5 200% (…)

PHARMACIE : Médicament pris en charge à 15% par le RO : M1 80%  M2 80%  M3 80%  M4 80%  M5 80%  (…) » ;

Que cette clause exprime la garantie en pourcentage, sans préciser à quoi se rapporte ce pourcentage, notamment s’il s’agit de la base de remboursement de l’assurance maladie, ou s’il s’agit de tout ou partie des frais réels payés par le consommateur ; que, pour une meilleure compréhension, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) préconise que la base de remboursement soit toujours indiquée au consommateur ; qu’une telle clause est abusive en ce qu’elle constate l’adhésion du consommateur à une stipulation dont il n’a pas une connaissance effective au moment de la formation du contrat en raison de son caractère incompréhensible.

A la fin de sa liste de récrimination, la CCA dresse une liste de 38 recommandations toutes aussi instructives et salutaires pour améliorer la protection et l’information des consommateurs en matière d’assurance complémentaire santé.

La Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats d’assurance complémentaire santé :

I – Des clauses stipulées dans les contrats régis par le code de la mutualité, les clauses ayant pour objet ou pour effet :

1°) De permettre au professionnel de se dispenser de la notification préalable à l’adhérent de la modification d’éléments essentiels du contrat ;

2°) D’autoriser le professionnel à prévoir l’exclusion d’un adhérent pour des motifs étrangers à l’exécution du contrat ou insuffisamment précis ;

3°) De permettre à la mutuelle de percevoir la totalité de la cotisation mensuelle en cas de décès de l’adhérent en cours de mois, sans aucune contrepartie, en l’absence d’autre bénéficiaire de la couverture ;

4°) D’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement le tarif déterminant les cotisations, indépendamment de toute demande de modification des garanties émanant du consommateur et hors l’échéance annuelle de reconduction du contrat ;

II – Des clauses communes aux contrats régis par le code de la mutualité, le code des assurances et le code de la sécurité sociale, les clauses ayant pour objet ou pour effet :

5°) De ne pas remettre au consommateur par écrit ou sur un autre support durable les documents contractuels ;

6°) De laisser croire à la conclusion immédiate du contrat d’assurance souscrit par téléphone à la date de l’entretien téléphonique sans communication préalable du dossier d’adhésion par écrit ou sur un autre support durable, hors l’hypothèse où la demande d’assurance est à l’initiative du consommateur ;

7°) D’entretenir l’ambiguïté sur la date de la conclusion du contrat, pendant un délai indéfini laissé à la discrétion du professionnel ;

8°) De prévoir un engagement ferme du consommateur, alors que l’exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;

9°) De priver le consommateur, après la conclusion du contrat, du bénéfice des garanties jusqu’au paiement de la cotisation, en dehors des conditions prévues à l’article L. 113-3 du code des assurances ;

10°) De laisser croire au consommateur qu’il ne dispose pas du délai légal de renonciation prévu à l’article L. 112-2-1, II,1°, du code des assurances ;

11°) De priver le consommateur d’une année entière d’assurance en contrepartie de la cotisation annuelle fixée lors de la souscription du contrat ;

12°) De sanctionner une fraude non précisément définie par la privation du droit aux prestations, hors les cas d’omission ou de fausse déclaration intentionnelle dûment établie par l’assureur ;

13°) De prévoir, contrairement au code des assurances, des exclusions de garanties qui ne sont ni formelles ni limitées et sans informer le consommateur que la preuve des exclusions incombe à l’assureur, de même que celle de la faute intentionnelle ou dolosive ;

14°) De prévoir que le consommateur ne sera pas remboursé de ses frais antérieurs de deux ans à la date de leur présentation, sans préciser le point de départ de ce délai quant à la date des frais (consultation, soins, facturation) ;

15°) D’exclure de la garantie la totalité des maladies, affections ou accidents antérieurs à la date d’adhésion ou à la date d’entrée en vigueur de la garantie, sans les définir précisément ;

16°) D’obliger le consommateur à déclarer ses pathologies cancéreuses sans prévoir un délai à partir duquel il n’est plus tenu de les déclarer ;

17°) De constater l’adhésion du consommateur à une stipulation dont il n’a pas une connaissance effective au moment de la formation du contrat en raison de son caractère imprécis ;

18°) De laisser croire que, pour les contrats dits « solidaires et responsables », des délais de carence ou d’attente peuvent s’appliquer sur les frais d’hospitalisation ;

19°) De laisser croire que la déchéance de garantie est encourue pour fausses déclarations et utilisation de documents ou justificatifs inexacts, sans que l’assureur ait à établir le caractère frauduleux de la déclaration ;

20°) De prévoir une déchéance de garantie automatique en cas de déclaration tardive, sans que l’assureur ait à justifier d’un préjudice ;

21°) D’autoriser l’assureur à laisser le consommateur ne pas bénéficier du remboursement dû au titre de la garantie par lui souscrite, pendant un délai indéterminé ;

22°) De laisser croire au consommateur que le professionnel peut instituer un délai plus court que le délai légal pour obtenir le remboursement de ses dépenses de santé ;

23°) De laisser croire au consommateur que, pour obtenir le remboursement des prestations, il n’a pas à consentir au recueil de ses données de santé ;

24°) D’imposer le prélèvement automatique comme unique mode de paiement ;

25°) D’imposer des frais au consommateur en cas de paiement par chèque ;

26°) De mettre à la charge du consommateur des frais indéfinis, en cas d’impayés, à la convenance du professionnel ;

27°) De mettre à la charge du consommateur des pénalités forfaitaires sans justifier des frais engagés pour le recouvrement des sommes dues, dans leur nature et leur montant, et sans indiquer qu’en ce qui concerne le recouvrement amiable, il appartient au juge de déterminer si des frais nécessaires peuvent être laissés en tout ou partie à la charge du débiteur de mauvaise foi ;

28°) De donner une information imprécise, au regard des prescriptions légales, sur les frais mis à la charge du consommateur en cas de non-paiement ;

29°) De priver le consommateur de son droit d’accès à la télétransmission de ses demandes de remboursement direct auprès de son nouvel organisme d’assurance complémentaire, en cas de défaut de paiement des cotisations ;

30°) De prévoir une procédure « d’expertise médicale » par le médecin-conseil de l’assureur ou tout praticien désigné par ce dernier sans informer le consommateur de la faculté de se faire assister du médecin de son choix ou d’opposer les conclusions de son médecin traitant ;

31°) De permettre au professionnel de mettre en œuvre un traitement des données nominatives concernant ses adhérents, sans les informer clairement de leur droit d’accès, de rectification et d’opposition ;

32°) De laisser croire que le professionnel peut résilier le contrat en cas de fausse déclaration, omission ou inexactitude, sans avoir à respecter les prescriptions légales prévues en pareil cas ;

33°) De prévoir que le professionnel résilie le contrat en cas d’aggravation du risque, sans autre précision, en méconnaissance des prescriptions législatives qui interdisent la résiliation du contrat pour cause d’aggravation de l’état de santé ;

34°) D’autoriser le professionnel à procéder, en cas d’une dette alléguée par lui, à des retenues d’office sur les prestations auxquelles le consommateur peut prétendre, alors même que cette dette peut ne pas être certaine, liquide et exigible ;

35°) De laisser croire au consommateur qu’il ne lui est pas possible de résilier son contrat en dehors des cas qu’elle prévoit, sans mentionner ceux prévus à l’article L. 112-3 du code des assurances ;

36°) De laisser croire au consommateur qu’il ne peut saisir le médiateur qu’après extinction de la procédure interne de règlement des réclamations, au surplus sans rappeler la nécessité d’introduire la demande auprès du médiateur dans le délai d’un an à compter de la réclamation écrite auprès du professionnel, et, par voie de conséquence, de supprimer ou entraver les voies de recours du consommateur ;

37°) De donner une information imprécise et incomplète au regard des prescriptions légales sur les modes de règlement amiable et contentieux des litiges ;

38°) De prévoir un délai de réponse du médiateur de la consommation supérieur à celui prévu par la réglementation, de soumettre le recours au juge à un préalable de médiation de la consommation et de prévoir que l’avis du médiateur s’impose aux parties.

Recommandation adoptée le 23 novembre 2017 sur le rapport de Mme Corinne SOLAL

Pour en savoir plus, retrouvez ici la recommandation complète sur le site de la CCA:

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